
D’entrée,
précisons les choses : « Tropica » était, dans les années cinquante /
soixante, une marque de café comme il en existait bon nombre à l’époque,
mais n’est en aucun cas le nom du fabricant de ces petites miniatures.
Les cafés « Tropica » se contentant d’offrir aux enfants, sous forme de
primes, ces petites autos aux couleurs bariolées en les glissant
directement dans leurs sachets / boîtes de café (une 403 Peugeot ayant
conservé un grain de café dans son habitacle en atteste). Mais, comme il
arrive parfois aux collectionneurs, plongés dans une absence
quasi-totale d’informations concernant l’origine d’un modèle, c’est le
marquage promotionnel du jouet prime qui sert de référence (il en sera
de même par exemple pour les autos miniatures « Familistère »). Et c’est
donc aujourd’hui sous cette appellation que sont dénommées ces
adorables petites friandises.


De
la paternité des modèles nous ne savons donc rien… Peut-être n’ont-ils
même jamais reçus de nom de marque. D’où l’appellation aujourd’hui
reconnue par l’ensemble des collectionneurs de « Tropica ». Par
ailleurs, sur cette marque de café les informations sont aussi assez
réduites : on connaît d’une part, des boîtes illustrées par des bustes
de jeunes noirs (homme ou femme) et des emballages de sucre (Sucreries
Bouchon à Nassandres dans l’Eure) reprenant la même illustration avec la
mention « en vente à nos rayons d’alimentation ».
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La piste des cafés COOP (avec cinq cafés dont le café Tapiko qui
va devenir Tropica). Les
volumes, déjà conséquents pour l'année 1954, pourraient expliquer la
large diffusion des petites "Tropica". Les coloriages chatoyants
semblent être à l'image des miniatures... |
D’autre
part, des images à colorier et un buvard pour l’un des cafés des
magasins COOP « Tapiko - le café qui satisfait », sachant que sur un
autre buvard « Tapiko » devient « Tropica » (en conservant
l’illustration identique, d’un mexicain (basané) portant un plateau,
axée cette fois-ci sur le Mexique et non plus sur l’Afrique ?).
Et
enfin, une petite camionnette en plastique, finie en ronde-bosse,
portant l’inscription : « Tropica - le meilleur des cafés » (La même
existant aussi avec une publicité identique mais cette fois-ci pour le
café « Père Quéru »). Donc, plusieurs pistes à explorer ayant des liens
entre elles… ou pas...
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Abracadabra... Tapiko devient Tropica |
Mais
la proportion des miniatures estampillées « Tropica » par rapport aux
autres, dénuées de marquage, étant à peu près de 10%, cela implique que
90% des modèles ont été diffusés par d’autres voies… Ventes directes
dans les bazars et autres magasins de bimbeloterie ? Compléments pour
jeux de société ? Primes diverses diffusées en faible quantité ne
nécessitant pas un marquage au nom du commanditaire ...?
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Rares versions promotionnelles pour Buitoni |

À
ce propos, il faut d'ailleurs aussi mentionner les rares versions
diffusées par la firme "Buitoni" ainsi que celles produites pour les
produits de la laiterie "Pommel" à Gournay-en-Bray dans la
Seine-Maritime, on ne saurait parler de Seine inférieure puisque ce nom a été abandonné le 18 janvier 1955. Le nom de cette dernière firme étant parfois indiqué en substitution de celui de Tropica par certains vendeurs.
Les campagnes publicitaires de la fin des années 60 (Shadok et Gibi) sont documentées, mais concernant les miniatures... rien !
Les seuls modes de diffusions que nous connaissions de façon certaine sont les suivants :
D'une
part, la garniture d’un Ferry-boat, en plastique souple, avec
l’utilisation de 12 modèles de la série. Serait-ce en fait la genèse de
cette série ? Sur les versions les plus anciennes, les autos sont
disposées sur un socle en carton maintenues par un couvercle transparent
lui-même agrafé au carton. Les quatre canots de sauvetage, présents
dans l’emballage avec les miniatures, étaient-ils fournis directement
avec les véhicules ou simplement rajoutés lors du montage de l’ensemble ?
Le plastique souple utilisé pour le Ferry et les canots en opposition à
celui rigide des autos plaident plutôt pour deux fabrications
distinctes... Les teintes retenues sont des associations de couleurs
primaires : Rouge/jaune - Bleu/jaune... Ce Ferry passera de main en main
avec souvent des petites modifications… on le retrouvera par exemple
aux états unis, équipé de 18 voitures, sous la marque « Eldon », ou, chez
nous, garni de trois autos au 1/43ème, sous la marque « Falk », puis,
plus récemment, sous la marque « Renam » en Italie.

Catalogue des Galeries Lafayette septembre 62 ... Livré en boîte décorée !!!
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Dans l'esprit, le bac de Bénodet. |
D'autre
part, la diffusion, début 60 via le comptoir général de la bimbeloterie
(le CGB pour les intimes), de séries de 12 modèles vendus en mélange,
sous la référence F 702, dans des sachets conjointement avec 2 planches
du code de la route. Sous la référence F 705, les mêmes sachets peuvent
être garnis, hormis les planches "code de la route", de 12 signaux
routiers et une voiture. Les deux options rentrant dans le cadre des
campagnes de ventes à un franc (le désormais "nouveau" franc introduit
en 1960). Les planches code de la route, au nombre de 3 (imprimées à
Paris par FRANOZ ou CHROMO-LITHO), comportent au verso un petit circuit
routier, terrain de jeu idéal pour mettre en scène les autos miniatures
et les panneaux de signalisation. Ces derniers, contrairement à ceux
produits par Norev ou Minialuxe, sont moulés en deux parties, le poteau
étant solidarisé par un point de colle sur le socle assez large et donc
d'une grande stabilité. Ils sont totalement disproportionnés par rapport
aux miniatures, mais qu'importe ! Les mâts sont blancs (ou plus
rarement beiges) et les socles sont finis dans des couleurs variées,
très ludiques, identiques aux autos, laissant penser à un fabriquant
unique pour les véhicules et les signaux ?
Comptoir général de la bimbeloterie 1960 (Réf 702) "Sachet 12 autos
plastique couleurs, 5.5 cm, avec 2 planches Code la route. Le sachet
0,75"
Comptoir général de la bimbeloterie 1963 (Réf 705) "Sachet 12
signaux 6 cm, 1 voiture 5.5 cm, avec 2 planches code de la route. Le
sachet 0,75"
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Les planches, numérotées de un à trois, se présentent sous forme de
triptyques et comportent au dos un circuit routier représentant, entre
autre, une station service, un parking et un rond-point. |
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La gamme complète des 16 modèles, en partant de la Frégate n°1 verte en bas (sens inverse des aiguilles d'une montre), avec un bel aperçu de la riche palette des couleurs utilisées. |
La
gamme qui comprend 16 modèles au total semble avoir été élaborée vers
la fin des années cinquante. Bien que certains des modèles (Hotchkiss,
Traction, 203 commerciale…) sont plus anciens, ce sont les dates de
sortie de deux des Simca (Océane et Plein-Ciel) qui nous servent de
repère temporel. Les miniatures, fabriquées en plastique, sont finies
dans un nuancier de couleurs chatoyantes. Pas de noir, de gris foncé, de
marron ou de bordeaux… mais une riche palette mélangeant des couleurs
vives (chaudes ou froides) avec des tons intermédiaires aboutissant à
une multitude de dégradés dans des tonalités pastel. La matière
plastique utilisée permet d’obtenir un moulage très fin des carrosseries
mais avec malheureusement comme corollaire des montants de toit assez
fragiles !





Les
modèles sont conçus très simplement en peu d’éléments : un châssis, une
carrosserie, et enfin les roues solidarisées sur leurs axes. Sur le
châssis apparaît en positif le nom du modèle, et en tout petit, à
l’arrière, un numéro de référence gradué de 1 à 16. Enfin, en
complément, le même numéro est rapporté, mais cette fois ci en nettement
plus gros, à l’intérieur de l’avant du châssis ?! Sans doute afin de
faciliter l’assemblage des miniatures, le châssis étant collé, au niveau
des pare-chocs, à la carrosserie qui elle-même dispose d’un numéro
moulé sous le capot !!! (À l’exception du Renault 1000Kg dont le numéro
se trouve sous le toit). Les axes de roues, mobiles, se positionnent
dans des gorges prévues à cet effet sur le châssis et sont maintenus par
pression de la carrosserie. Les couleurs des roues sont nombreuses
(blanches, grises, beiges, chromées et plus rarement noires) et
participent à enrichir, par combinaison, les multiples variantes de
teintes déjà présentes dans cette série. Les roues (et leurs axes) sont
identiques sur tous les modèles et cela renforce une certaine unité
visuelle de l’ensemble, et ce malgré l’échelle de reproduction, plutôt
disparate, qui se situe autour du 1/87ème pour la plupart des voitures
de tourisme (la 2cv étant par exemple beaucoup plus volumineuse), les
utilitaires étant eux représentés à des échelles bien inférieures.
Il
existe aussi des modèles dénués de châssis… au départ on pense à un
oubli, voir à une perte du châssis qui se serait décollé ! Mais il n’en
est rien, car en regardant plus attentivement on constate l’absence de
numérotation sous les miniatures (Logique puisque ces numéros servaient
de repères pour l’assemblage des châssis sur les carrosseries). De même
les montants intérieurs, situés entre les portes et servant de butées
aux châssis, sont plus courts. Pareillement, les renforts de
carrosseries, derrière les pare-chocs avant et arrière, qui servaient de
points de collages sont nettement plus fins. Quant à leur origine…
peut-être une commande spécifique pour des modèles plus économiques ?.
Mais il y a « pire » en matière de dépouillement avec une dernière
série, toujours sans châssis, dont les roues (avant et arrière) sont
cette fois ci recouvertes ?! Petite spécificité sur ces modèles, les
axes de roues sont moins longs, moins bien fixés aux carrosseries, ils
s’insèrent dans les ailes et certaines de leurs couleurs sont inédites
(Orange, bleu clair…). A priori, cette dernière série serait à mettre en
corrélation avec la vente de certaines planches "code de la route".

Enfin,
il faut savoir que toute la série a aussi été diffusée sous forme de
porte- clés. En partie au moins en tant que réclame, une rare Traction
offerte par les yaourts « Intral » en atteste ainsi qu’une 2cv éditée à
l’occasion de la fête du comité d’entreprise Citroën de Tournan. Le
modèle est daté sous le châssis au 11 juin 67, ce qui sous-entend pour
l’ensemble de la gamme une durée de vie d’au moins 10 ans (1957/1967).
Les couleurs des porte-clés reprennent la plupart de celles de la
série, en omettant à priori le jaune et l'orange, à l’exception de trois
vert inédits (pâle, moyen et bouteille). Et pour finir, il existe aussi
des modèles ayant reçu une finition, rapportée et non moulée dans la
masse, dorée ou chromée !
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Versions dorées "Il est l'or... Monseign'or" |


Mais
revenons à la série « classique ». Le porte drapeau (n°1) est la
Frégate, et là, patatras… Ça commence très mal, on découvre d’entrée de
jeu une grosse erreur de dénomination suite à l’inversion
malencontreuse du référencement du châssis de la Frégate avec celui de…
l’Aronde ! Donc, et ce durant toutes leurs productions, les Frégate
seront dénommées Aronde sous leurs châssis et inversement pour les Simca
Aronde. La calandre du modèle est estompée et donc il est difficile
d’en établir un millésime précis (nous verrons que, dans la majorité des
cas, les références aux modèles réels sont souvent anciennes). Le rendu
est quand même assez représentatif de la Frégate, bien que la miniature
soit plutôt petite et, dans l’ensemble, un peu « compressée » (dans
l’esprit de la Minialuxe au 1/43ème)


Par
la suite, c’est au tour de la marque Peugeot d’être représentée, et ce à
deux reprises. D’abord en n°3 sous la forme, plus contemporaine, d’une
berline 403 et puis, en n°4, c’est d’une plus ancienne 203 commerciale
qu’il s’agit. Les deux modèles sont bien rendus avec peut-être un atout
supplémentaire pour la 203 inédite en utilitaire à cette échelle. Les
calandres sont gommées sur les deux miniatures mais on devine sur la 203
les crosses de pare-chocs espacées des premières séries. Le coloris
beige à gauche est rare (et ce dans l'ensemble de la série), la grise
marquée "Tropica" détient encore un grain de café, et l'orange est "sans
châssis" (donc pas de référence sous le capot).


En
n°5 nous avons une Simca aronde coupé « plein-Ciel » assez réussie avec
son grand pare-brise panoramique à la mode américaine et sa superbe
ligne tendue. Sous le châssis un laconique « Simca » sans plus de
précision… Là encore le dessin de la calandre n’est qu’évoqué mais les
crosses de pare-chocs sont bien représentées à l’avant comme à
l’arrière. Le modèle à l’échelle 1 sort à l’automne 1956 ce qui pourrait
nous orienter vers l’année 1957 comme date de création de la série ?

Une
deuxième Citroën occupe le n°6 sous la forme d’une 2 CV, l’échelle
retenue est nettement supérieure aux autres modèles. La capote, bien
perceptible grâce au traité granuleux de sa surface, se prolonge
jusqu’au pare-chocs arrière dans l’esprit des premiers modèles. Les
nervures du dessus du capot sont très fines mais il manque le dessin des
portes arrière et les ailes arrières sont ajourées ! Les phares et les
butoirs de pare-chocs avant sont « timidement » évoqués, le châssis,
lui, est arrondi en son extrémité pour épouser le ceintrage du devant
du véhicule.


Pour
le n°7 nous retrouvons notre Aronde (avec châssis Frégate !). Le modèle
semble avoir adopté la calandre à « moustaches » de 54. Elle parait, en
comparaison de la Frégate qui est plutôt « tassée », un peu « haute sur
pattes » (et, là encore, dans l’esprit de la version proposée au
1/43ème par la marque Minialuxe).
À droite l'Aronde n°7 avec le châssis marqué Frégate
Retour
au quai de Javel pour le n°8 avec cette fois ci l’emblématique DS 19.
Ce n’est pas la plus réussie du lot avec sa petite taille et ses ailes
arrière découpées ! (système d’assemblage des axes de roues aux
dimensions uniques oblige). Bon, en même temps, ça lui confère un côté
original avec un look hors du commun…


La
Peugeot 203 qui nous attend en n°9 est encore plus étrange… en fait
elle n’a rien à voir de près ou de loin avec l’usine de Sochaux
puisqu’il s’agit en fait d’une berline Hotchkiss Grégoire ! Pourquoi
incorporer une Hotchkiss de 1951, dont l’existence a été aussi éphémère,
à une gamme de voiture de série en 1957 ?! D’ailleurs, le modèle est si
atypique qu’il se retrouve baptisé à l’époque sous la marque Peugeot
sans que visiblement cela choque qui que ce soit ? Là aussi, sur le
modèle, les ailes arrière sont ajourées pour la même raison que sur la
2cv et la DS. (Chez Minialuxe, qui sert de nouveau de référence tant les
lignes idéalisées des deux modèles sont semblables, les roues arrière
des premiers modèles avaient été rabotées pour permettre aux voitures de
pouvoir rouler !).


Le
n°10 fait écho au n°5 avec un châssis marqué « Simca » à l’identique du
précédent, si ce n’est le numéro de référence qui diffère. Et là, la
Plein-Ciel laisse place à une jolie représentation du cabriolet Océane.
Le modèle sera le seul de la série dans cette configuration (cabriolet
décapoté) et il faut reconnaître que le moulage en une pièce incluant le
pare brise est assez astucieux et fonctionne plutôt bien.

Suite
de la gamme avec, en n°11, un deuxième utilitaire sous la forme du
Citroën H-1200. Malgré la sobriété de traitement, inhérente à toute la
série (seuls le toit et le capot sont nervurés), la silhouette si
caractéristique du fourgon Citroën 11cv est fort bien restituée, avec sa
porte coulissante et, à l’avant, son pare-chocs et ses marchepieds sur
les ailes.
De
nouveau une berline en n°12, avec la Ford Vedette dans sa version de
54. Comme souvent, la calandre est gommée mais le modèle est par
ailleurs très fidèle, dans ses lignes, à l’original.


Toujours
très stylisé mais très évocateur de son époque, c’est la camionnette
1000 kg Renault qui occupe le n°13. Une petite confusion avec le fourgon
Citroën (sous le châssis est inscrit « Renault 1200 ») mais là encore
une très honnête représentation de ce qui deviendra le « Voltigeur » à
partir de 1959.
Un des modèles les plus charmants de la série en
n°14… le camion Berliet en version citerne. Malheureusement, il restera
le seul poids lourd de la gamme…





À
l’instar des séries « Cadum Pax », la grande absente de la gamme est la
Renault 4cv pourtant si emblématique des véhicules de son époque, mais
par contre, cette fois ci, une Traction Citroën fait partie de la série.
Une marque automobile est aussi délaissée… il s’agit de Panhard et de
ses incontournables Dyna. Par ailleurs, un autre angle de vue, déjà
esquissé, pointe la similitude de la série (un hasard ?) avec la gamme «
Minialuxe » contemporaine. Pratiquement tous les modèles représentés
chez « Minialuxe », à la fin des années 50, le sont chez « Tropica »
jusqu’au camion Berliet (certes dans une version benne et non pas en
citerne), la seule exception (qui confirme la règle ?) étant la Panhard
PL17 présente chez Minialuxe mais absente chez "Tropica" et en miroir la
2cv Citroën, absente des productions d'Oyonnax, mais bien présente dans
la série. Enfin, nous pouvons voir que de nombreux questionnements
subsistent… quid de l’origine de ces miniatures ? Quelles en sont les
dates précises de production ? Les autres modes de diffusion ? Comment
expliquer les erreurs manifestes de dénomination de certains modèles ?
Vers qui rattacher les miniatures estampillées « Tropica » de façon
certaine ? existe-il d'autres marques, de produits divers, ayant
distribué ces petites autos sous forme de primes ?...
Comme toujours toutes informations supplémentaires sont les bienvenues !
Un article rédigé par Vincent Pirot
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