Essai : CIJ - Renault Frégate réf 3/51 & 4/51

Première présentation de la Frégate au
Palais de Chaillot le 24 novembre 1950
Initialement, vers la fin des années quarante, les études de la future Frégate Renault se portent sur un modèle dénommé type 108, doté d’un moteur arrière dont le dessin s’inspire très nettement de la Tatra tchécoslovaque. Le but est pour la Régie, de se positionner face à la concurrence représentée par la 11cv Citroën Traction Avant. Mais, après des essais du prototype courant 1949, Pierre Lefaucheux décide in-extrémis de tout arrêter et de porter son choix sur un véhicule à moteur avant. Par ailleurs, le bruit court que suite à l’aggravation du conflit en Corée le gouvernement serait en passe d’interdire la production de  nouvelles voitures afin de subvenir à l’effort de guerre. En conséquence, la Régie Renault anticipe le lancement de son nouveau modèle. Mais la 11cv Frégate, présentée au Palais de Chaillot fin novembre 1950, est loin d’être au point techniquement et, comme souvent dans l’histoire de l’automobile, ce seront ses premiers clients qui en essuieront les plâtres. Sa ligne, elle, est déjà définitive mis à part quelques détails qui évolueront encore comme le profil des pare-chocs, l'emplacement des feux de position qui rejoindront la ceinture de caisse ou enfin, courant 1952, le rajout de deux projecteurs antibrouillard. Finalement, il faudra attendre le Salon d’octobre 1951 pour en voir le vrai départ avec des premières ventes effectives dès le mois suivant.
 
Modèle 1951
Modèle 1951/52 avec encore un seul antibrouillard
Parallèlement, la C.I.J. qui, comme nous le savons, est toujours liée par un contrat d’exclusivité avec Renault, travaille à l’élaboration du modèle réduit pour sa gamme d’automobiles miniatures. Les retards chez Renault n’étant pas dû à l’esthétique de la future voiture mais à des problèmes d’ordre technique, le bureau d’étude s’affère à Briare, et d’ailleurs, le tarif de gros C.I.J. de juin 1951 présente déjà, comme nouveauté, la Frégate sous la référence 3/51 (51 comme l’année présumée de sa sortie ?!) avec des livraisons estimées pour  novembre/décembre, seul le prix de vente reste encore à établir… Mais en réalité le modèle joue l’Arlésienne et sur le tarif suivant, datant de juin 1952, il n’est même plus présent ! Il faudra en fin de compte attendre l’année d’après pour le voir réapparaitre cette fois ci au prix fixe de 190frs. 
 
Si l’on peut aisément comprendre que la sortie du jouet ne pouvait pas précéder celle de la vraie voiture il est à l’inverse plus difficile d’expliquer ce retard de production ? En tous cas les concepteurs de la  miniature, qui sort finalement en 1953, en ont profité pour rajouter au bas de la calandre à trois barres les projecteurs antibrouillard apparus sur l’Amiral en 52, car c’est bien la version « haut de gamme » de la Frégate qui est retenue par la C.I.J. et non celle, plus dépouillée, dénommée Affaires.
 
Le graphisme du mot "Frégate" sera retranscrit
à l'identique sur le châssis des premiers modèles,
puis par la suite, sur les boîtes individuelles
La conception du modèle est en partie identique aux 4cv et Dyna qui le précèdent. Une caisse moulée en zamak et un châssis en tôle de finition chromée, pincé aux extrémités, dont la découpe fait office de plaque de police à l’avant et comprend deux petites pattes de fixation à l’arrière. Sur certains rares modèles ce dernier reste vierge (première série ou oubli en usine ?), mais dans la majorité des cas il reçoit un marquage, réalisé au pochoir, de couleur noire, portant l’inscription « la frégate Renault », sans pour autant qu’il ne soit fait mention de la marque du jouet. Un dernier point est à noter : les premiers châssis sont lisses alors que par la suite ils comporteront à l’arrière une petite gouttière dans laquelle viendra se positionner l’axe des roues. 
 
La calandre, les phares ainsi que la plaque de police arrière sont chromés au pochoir. Les feux arrières ne sont pas peints. Les roues à gorge, tournées en acier, sont très différentes de celles des premières références (3/47 et 3/48) et reçoivent des petits pneus (boudin) blancs, il semblerait que quelques montages en pneus noirs existent également.

 
Une des premières réclames C.I.J. illustrant des miniatures (1953).
Le pare-chocs avant de la Frégate est retouché (pas d'agrafe de
châssis disgracieuse) et la voiture semble être équipée de glaces !
En revanche, la taille de la miniature interpelle… elle ne mesure que 93mm et parait donc bien petite en rapport de la dimension de la vraie voiture. Mais, souvenez-vous, les gamins de l’époque en avaient vu d’autres, car 93mm c’est exactement la longueur à laquelle était réduite la 402 Peugeot de Dinky-Toys. La « petite » Frégate Amiral est donc représentée au 1/50ème (alors que la reproduction de l’imposante berline de Sochaux  par Meccano avait, elle, été traitée au 1/52ème !).
 
Dans un deuxième temps, vers 1954, le marquage du châssis ne sera plus réalisé au pochoir mais par emboutissage. Sur le devant de celui-ci nous pourrons lire en relief « la Frégate Renault made in France ». Cette transition correspond, à priori, au passage du conditionnement en boîte de six pièces au coloris unique, à la boîte individuelle. Comme toujours, l’illustration de ce boîtage est pleine de charme et la miniature y est superbement représentée sur ses quatre faces. La typographie du lettrage Frégate reprend celle qui était apposée sous les premiers châssis, elle-même étant issue des documents officiels de la Régie.
 
Les différents châssis par ordre chronologique, avec de gauche à droite : lisse sans marquage (comme les 4cv et Dyna x contemporaines), lisse avec marquage, puis avec gouttière et marquage (existe aussi sans le pochoir), et enfin, toujours avec les gouttières, embouti en argenté (commun aux deux modèles), puis en gris métallisé foncé (uniquement sur les modèles à calandres ovales)

 
Les couleurs utilisées pour les Frégates à calandre à trois barres sont les suivantes : gris beige, gris moyen, gris foncé, bleu marine, vert olive, gris vert, bordeaux et noir (idem à priori pour les modèles mécaniques).
 
Pour l’année modèle 1955, Renault dote ses Frégates d’un nouveau moteur plus puissant et, extérieurement, le modèle Amiral reçoit une nouvelle calandre ovale. De son côté, la C.I.J. retravaille  son moule en adoptant le nouvel avant. Au même moment, peut-être pour des raisons économiques, les roues en métal laissent place à des roues en plastique, de couleurs jaune ou rouge, chaussées de pneus blancs. 
 
Rare version de passage d'une des dernière calandre
à trois barres assemblée avec les nouvelles roues en
plastique jaune des futures calandres ovales
Les jantes, sur ce type de roues, dépassent légèrement des pneus et ont tendances à se déformer avec le temps en raison de la réaction chimique entre les deux matériaux employés. Les jantes une fois fabriquées, sont placées dans un nouveau moule dans lequel les pneus sont directement injectés autour des jantes. Cette technique, si elle permet un gain de temps important (et donc financier), présente un inconvénient majeur : Si le modèle n'a pas joué ne fusse qu'un peu, les deux types de plastiques entrent en conflit et la jante se déforme. C'est le même problème que l'on retrouve sur les Norev d'avant 1965, les miniatures de la marque belge Sablon, et sur certaines Solido du début des années 70.
 
Par la suite, les pneus à gorge enserrent mieux les jantes offrant une meilleure finition à la miniature, la C.I.J. a certainement dû revoir les matériaux de fabrication des roues.
Les feux arrières sont dorénavant peints, en jaune ou rouge, suivant les coloris des voitures. Les châssis, eux, sont toujours identiques à la version précédente et donc finis en gris argenté. Puis ils évoluent et reçoivent une peinture d’un gris métallisé plus soutenu. Conjointement (?), les boîtes reçoivent sur leurs rabats la mention "Frégate" et, sur les toutes dernières, le marquage CIJ, inséré dans la carte de France, laisse place à celui plus moderne inscrit dans un cercle. Le dessin de la voiture est bien réactualisé sur les catalogues mais, par contre, l'ancien perdure sur les boîtages individuels avec les illustrations de la version à trois barres et ce, jusqu'à la fin de production !
 
Les trois types de boîtes 3/51 : la première est commune aux deux modèles (calandres droites et ovales)
en châssis argenté, les deux autres correspondent aux calandres ovales en châssis gris métal foncé. 
La dernière version (à droite), avec le nouveau sigle CIJ épuré, est rare
 
Les couleurs utilisées pour les Frégates à calandres ovales sont les suivantes :
 

Châssis argenté (roues plastique jaunes) : gris foncé, noir, bleu marine, vert olive et bordeaux métallisé.
 

Châssis argenté (roues plastique rouge) : vert olive, bordeaux métallisé…
 

Châssis argenté (versions mécaniques/roues métal) : Couleurs des versions à trois barres...
 

Châssis gris métal foncé (uniquement en roues plastique rouges) : vert clair (rare), gris foncé, gris/vert foncé, bleu clair, bleu marine, prune, gris clair, rouge (rare) et bleu moyen.
 
A l’instar des autres modèles contemporains, une version mécanique voit le jour dès 1953 sous la référence 4/51. Pas de petite roue directionnelle pour la Frégate (déjà abandonnée sur la 4cv et la Dyna X) mais un moteur à ressort agrafé sous le châssis. Les versions mécaniques suivent l’évolution de la miniature avec la spécificité de conserver des roues en métal sur les modèles à calandre ovale dont la production s’arrêtera assez vite. La boîte, quasi identique à la référence 3/51, en diffère par le rajout de la mention "mécanique" sur ses côtés. Cette mention est aussi présente (en tout petit corps) sur les rabats des dernières impressions.
 
Enfin, pour les amateurs de promotionnels, il faut signaler l’existence des rares versions « chocolat Kemmel ». Comme de nombreux chocolatiers de l’époque, les chocolats Kemmel, localisés à Bourbourg dans le Nord, distribuaient par le biais de ses produits des petits chromos à la façon des bons points récoltés (ou pas) à l’école. Par ailleurs, on pouvait aussi se procurer des albums, dont l’un d’eux était réservé à l’automobile, pour y coller ces images. Et pour finir, une fois rempli, l’album pouvait être renvoyé au fournisseur avec en retour la promesse de recevoir une « jolie voiture publicitaire », et un nouvel album !  Les « petites Frégates », portant l’inscription « chocolats Kemmel » au pochoir sur le toit, font donc partie d’une de ces opérations publicitaires (d’autres voitures en tôle, d’échelles supérieures, ayant aussi été proposées). Les deux moules de la Frégate seront successivement utilisés mais, sur les versions à calandre ovale, nous pouvons constater que les coloris correspondent à des couleurs de fin de production (bleu clair, vert clair).
 
Avec cette série, et peut-être est-ce dû à l’échelle retenue, nous sommes vraiment plongés dans l’univers du jouet. Et, comme pour la 4cv, la palette des couleurs utilisées, plutôt austère au début, puis nettement plus chaleureuse sur la fin de production, nous offre une quantité impressionnante de variantes à collectionner. On est bien loin des deux, voire de l’unique, coloris proposés par exemple sur certains modèles de la concurrence. Mais cependant, du fait sans doute de sa petitesse, la miniature sera un peu boudée par les collectionneurs de 1/43ème. Et il faudra attendre la version suivante, la Frégate Grand Pavois, réalisée cette fois ci au 1/45ème, pour réconcilier tout ce petit monde...
 
Un grand merci à Michel pour les modèles qui illustrent cet article
Un article rédigé par Vincent Pirot

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire