Une carte postale des années cinquante (1) |
Nous
sommes au lendemain de la deuxième guerre
mondiale et dire que l’Europe est dévastée est un euphémisme. C'est à ce
moment de l’histoire quand tout est à recréer, que des associations
internationales d’artistes se fondent pour réinventer une nouvelle façon
d’être au Monde (Les Spatialistes italiens dès 1946 puis dans les
années cinquante le groupe Zéro en Allemagne, le mouvement japonais
Gutaï, le groupe NUL aux Pays-Bas…). Tout est à
reprendre et nos amis d'Outre-Manche se jettent à nouveau dans le sport
mécanique qui, Spitfire et quelques autres coucous mis à part, était
resté en veilleuse depuis 1940.
Rationnement
de l’essence, absence de moyens stimulent les esprits et, lancée par
quelques fanatiques britanniques, une nouvelle formule voit le jour :
des petites machines de course légères pesant au minimum 200 kg et dont
le moteur doit répondre à 2 conditions : ne pas être munis de
compresseur et ne pas dépasser 500 cm3 de cylindrée. De ces règles
simples, la bonne logique va entraîner des conventions et des
innovations.
Quand on pense que certains se sentent
démunis en l’absence de démarreur électrique… George Alderman "poussé" par Renée et Barbara au Lime Rock Park, CT (2) |
La
Cooper Car Company est créée par Charles Cooper et son fils John dans
le petit garage familial de Surbiton, dans le Surrey au lendemain de la
deuxième guerre mondiale. Dès 1946, Charles Cooper aidé de son ami
d'enfance Eric Brandon, tous deux fraîchement démobilisés se lancent
dans la course et créent le prototype de la Cooper 500. Eric Brandon est
d'ailleurs officiellement le premier vainqueur du championnat de Grande
Bretagne de Formule 3, alors appelé Autosport F3,
sur Cooper-Norton en 1951.
Le moteur Norton installé dans une Cooper (3) |
Le Grand Prix de 1951 (1) |
Devant
le succès de cette formule, la Fédération Internationale Automobile
créa en 1950 une classification spéciale pour les racers 500 : la
Formule 3. Charles Cooper avait déjà construit quelques spéciales, mais
c’est ce développement de la Cooper 500 Formule 3 qui inscrivit son nom
dans le Monde du sport automobile. En effet Cooper construisait les
voitures les plus réussies pour cette catégorie avec son utilisation
pionnière du châssis tubulaire et des alliages de magnésium.
Les
Cooper commençaient à dominer dans les courses de côte et sur la piste,
conduisant à une ruée de commandes de pilotes tels que Stirling Moss,
Peter Collins et Jim Russell.
Bien
que l’archétype du 500 monocylindre était le moteur JAP, Société dont
l'acronyme vient de son créateur John Alfred Prestwich, la maison
Cooper utilisa presque exclusivement le moteur Norton de la Manx, surnom
que ce modèle avait acquis suite à plusieurs victoires au « Tourist
Trophy » sur l'île de Man, Manx ou Manxman étant le gentilé des
habitants de cette île. Pour l'anecdote, Norton refusa toujours de
vendre ses moteurs aux coureurs et autres petites entreprises désireuses
d'en équiper leur création, la seule solution était alors d'acheter une
motocyclette complète, d'en prélever le moteur et de revendre la partie
cycle, ceci amenant la création de « Bitzas » à moteur Triumph ou
Vincent (entre autres), appelés « Triton » et « Norvin ».
Réclame de 1936, il s’agit du moteur Norton Inter qui donnera bientôt naissance au Manx.
On peut noter la commande de l’arbre à came en tête par pignons et
renvois d’angles (4) |
Les
artisans de ce bref moment de gloire sont généralement présentés comme
l’As Geoff Duke, le chef du département de course Joe Craig et le
concepteur de cadre Rex McCandless. Mais un autre ingénieur — qui n’a
jamais été reconnu à sa juste valeur — a été impliqué dans les
performances du vénérable monocylindre 500 de Norton… Un ex officier de
l’armée de l’air polonaise a aidé les fabricants de motos et de voitures
britanniques à battre Gilera, MV Agusta et Ferrari pour la gloire du
championnat du monde. L’histoire de Leo Kuzmicki est un triomphe de
créativité sur une montagne de complications.
Leo Kuzmicki posant derrière le moteur IMP (5) |
Ces racers formule 3 rencontrèrent un succès mondial et on peut les classer en deux grandes catégories :
- Ceux qui sont fabriqués par des marques comme Cooper, Kieft en
Angleterre ou DB en France par exemple. Entre 1949 et 1959, Cooper a
construit et commercialisé 360 racers 500, devant la marque Effyh (60
ex.). Le constructeur français DB n’arrivant qu’en 6e position avec 15
productions.
Henri Julien, le futur
père des AGS a dénombré dans son livre « La Bible du Racers 500 » pas
moins de 471 constructeurs différents de par le monde. L’Angleterre et
la France se taillant la part du lion avec respectivement 184 et 73
constructeurs. L’Union soviétique (5), la Nouvelle Zélande (11),
l’Afrique du Sud (7), le Canada (2), figurent parmi les 23 pays
producteurs de racers.
Les
motorisations les plus utilisées ont été les JAP, Norton, Triumph pour
les anglais ; les Renault, Simca et surtout Panhard pour les français.
Au total, 61 marques de moteurs de 14 nationalités différentes ont
équipé ces petits bolides.
- Ceux qui sont l’œuvre de garagistes passionnés qui réalisent « leur » machine à l’unité.
C’est
parmi ceux-ci que nous retrouverons des Racers britanniques équipés de
moteurs Vincent HRD, marque mythique qui mérite bien une petite
digression...
Mais
Howard Davies, meilleur mécanicien que commercial devra mettre la clé
sous la porte et c’est un jeune universitaire, Philip C. Vincent qui
reprendra l’entreprise en ajoutant son nom.
Dès
le départ, les Vincent HRD étaient munies de suspension arrière, cette
innovation presque incroyable à l’époque va donner le ton à une marque
qui n’optera que pour des formules originales, un peu à la façon de
Citroën à la grande époque. En 1931, un jeune Australien du nom de Phil
Irving prend la place de passager sur une Vincent attelée qui était
partie faire le tour du Monde. Phil Irving, véritable sorcier de la
mécanique arrivera ainsi chez Vincent où, embauché, il collaborera
grandement à la création d’un moteur 100% nouveau qui allait donner du
fil à retordre aux moteurs JAP si répandus à l’époque.
Stan et Reg Robbins dans le paddock (Cooper-Vincent) (7) |
Le moteur 1000cc de la Cooper de M. Abecassis portant la signature de M. Phil Irving himself (8) |
Parmi
les clients de Cooper figurait également le pilote de course, vétéran
de la RAF. George Abecassis. Celui-ci a commandé en 1948 une Cooper
remarquablement originale et historiquement importante...
D’où
ce petit retour sur les Vincent HRD : En 1938, Philip Vincent et Phil
Irving créent un moteur bicylindre en V de 1000cc qui équipera la
« Rapide », la moto de route la plus rapide du Monde et qui donne
naissance au lendemain de la Guerre à la Rapide série B dont le moteur,
faisant bloc d’une seule pièce avec la boîte de vitesses remplace le
cadre (et oui, une moto quasiment sans cadre donc !).
Le Moteur de la Black Lightning (9) |
Un
autre moteur « Lightning » (1000cc course) a également été monté dans la
Cooper d’Eric Winterbottom qui a été chronométrée à 212 Km/h. Eric
Winterbottom avait également un 500cc réalisé à partir d’un
demi-lightning (il avait fait retirer le cylindre arrière d’une 1000
et occulter le trou avec une plaque de tôle). Échanger les deux moteurs
lui prenait peu de temps et lui permettait de courir dans deux
catégories différentes dans la même journée.
Extrait du « notebook » de Dennis Minett où il est fortement question du fameux moteur ½ 1000 d’Eric Winterbottom (10) |
Si la marque Vincent H.R.D. ne fabriqua jamais de racer « entier », elle avait créé un « Special Engine Departement »
qui préparait, améliorait, entretenait les moteurs « spéciaux » de
clients particuliers en vue de battre des records voire les adapter dans
des trois-roues, des Cooper ou assimilées. Le responsable de ce
département était Dennis Minett. Dans son carnet de notes où il résumait
les opérations effectuées, on peut trouver un 500cc préparé pour un
amateur de Sheffield et les moteurs d’Eric Winterbottom, le 1000cc et
également cet étrange « demi-mille » ; En lisant ce carnet, il est
permis de supposer qu’Eric Winterbottom, le possesseur de cette Cooper
devait lui mener la vie dure et/ou être très exigeant sur les
performances à atteindre car ce moteur réapparaît de place en place pas
moins de 8 fois dans le carnet de notes de Denis Minett entre avril 1950
et juillet 1951 (le 1000 n’apparaissant que 4 fois).
Mais revenons à cette formule 3 :
Parmi
les 1220 pilotes de racers 500 répertoriés, figurent notamment :
Stirling Moss, Les Leston, Stuart Lewis-Evans, Ivor Bueb, Peter Collins,
Raymond Sommer, Harry Schell, Graham Hill, Bernie Ecclestone et Ken
Tyrrell mais, comme chantait Bourvil, ce n’est pas tout, ce n’est pas
tout !
Une Cooper-Vincent s'apprêtant à négocier chèrement un virolet (8) |
Jack
Brabham prend la sixième place au Grand Prix de Monaco 1957 dans une
Formule 1 Cooper à moteur arrière. Lorsque Stirling Moss remporte le
Grand Prix d’Argentine 1958 dans l’épreuve privée de Rob Walker, John
Cooper et Maurice Trintignant doublent l’exploit lors de la course
suivante à Monaco, le monde de la course est stupéfait et la révolution
du moteur « Central », commence. L’année suivante, en
1959, Brabham et l’équipe d’usine Cooper deviennent les premiers à
remporter le championnat du monde de Formule 1 dans une voiture à moteur
arrière. L’exploit est renouvelé en 1960 et
chaque
champion du monde depuis lors a été assis devant le moteur.
Une Cooper Norton en vue arrière qui
nous présente son compartiment moteur (3) |
Les
Ferrari 500 F2 et Talbot-Lago continueront encore à disputer quelques
Grands Prix dans les cours d’école comme survivront longtemps les trains
à vapeur dans les dessins d’enfants mais, pour les grands enfants, le
pli est pris…
Une
fois que tous les constructeurs de voitures de Formule ont commencé à
construire des voitures de course à moteur central, la praticité et la
construction intelligente des monoplaces de Cooper ont vite été
dépassées par les technologies plus modernes des Lola, Lotus, BRM et
Ferrari. Le déclin de l’équipe Cooper s'accélère lorsque John Cooper
est grièvement blessé dans un accident de la route en 1963 au volant
d’une Mini bimoteur, et que Charles Cooper décède en 1964.
John
Cooper prit sa retraite sur la côte du Sussex, où il fonda en 1971 le
garage de Ferring, près de Worthing. Le garage a vendu des kits de
gonflage pour moteur Mini Cooper ainsi que des pièces de performance,
puis a été vendu à Honda en 1986 et l’entreprise a été transférée à East
Preston pour convertir des Mini Cooper en voitures de course.
La Cooper-Norton Midget
de Tekno sort en 1958 après la Renault 4CV. Son étude fut effectuée
conjointement avec celle de la Ferrari 750 Monza. Il semblerait
d'ailleurs que si Tekno n'eut aucune difficulté à avoir
l'autorisation de Cooper pour reproduire le modèle, il n'en fut pas
de même pour obtenir celle de Ferrari qui prit visiblement beaucoup
de temps avant de l'accorder.
Le grand intérêt de ces
deux modèles de Course, est que Tekno avec son habituel savoir-faire
dans la décoration, proposa la Cooper-Norton (comme la Ferrari),
dans sept coloris différents, correspondant chacun à une écurie
nationale et offrant la possibilité d'achat chauviniste à l'export,
voire celle de pouvoir faire s'affronter des modèles de couleurs et
de numéro différents dans des courses homériques et éventuellement
sablonneuses.
Le jouet a été conçu
par Erik Spon qui relate dans un entretien avec Peter Frandsen :
« En 1958, j'ai fabriqué une voiture Midget (Cooper-Norton
n° 812) dotée d'un train de roulement monobloc très
difficile à réaliser et d'un échappement très bien conçu. Cette
voiture a réussi à être exposée au Museum Of Modern Art de New
York ainsi qu'en Louisiane en Zélande du Nord. (...) ». Le
modèle reproduit ressemble en tous points à la Mark X (T42) de 1956
encore en production en 1958 et qui sera remplacée en 1960 par la
T52 à la ligne complètement redessinée.
340 Yen, le modèle est le moins cher de la marque au Japon |
La première mention du
modèle se fait sous la forme d'une réclame dans le numéro de mars
1958 de Legetøjstidende. À ce moment-là, celle aux couleurs de la
France n'est pas encore présente. Elle arrive en cours d'année et
est bien mentionnée dans le fameux catalogue 1958, premier de la
marque à présenter l'entièreté de la gamme de miniatures au
1/43ème. Curieusement, la Suède, pourtant premier importateur des
jouets Tekno, n'est pas représentée dans les sept coloris, Le sport
automobile n'était probablement pas suffisamment implanté dans ce
pays... Les suédois ne s'en formalisèrent pas et continuèrent à
acheter des petites Tekno puisqu'ils eurent un nombre très
important de modèles spécifiques.
Les premiers exemplaires
de la Cooper-Norton présentent des roues de la même couleur que la
carrosserie, sauf pour la version danoise, argentée, qui est équipée
de roues rouges. Les pneus d'abord lisses sont remplacés plus tard,
par des modèles nervurés et il sera utilisé trois types de pilotes
différents durant ses presque quinze ans d'exploitation. Vers 1962
les jantes ne sont plus peintes et le zamak est laissé brut. Le
châssis quant à lui, d'abord noir deviendra lui aussi brut, mais
bien après les jantes, ce qui fait que l'on peut trouver trois
variantes principales :
- Jantes et châssis
peints
- Jantes brutes et
châssis peint
- Jantes et châssis
bruts
Il fallait, pilote
compris 22 pièces pour fabriquer le petit racer, et sa
conception a permis à Tekno d'acquérir encore une fois de la
technicité sans oublier le système D : Le tuyau d'échappement
est fait à partir d'un simple clou poli puis plié, sur
l'extrémité duquel est emmanché un petit cône simulant une belle
sortie en trompette.
La boîte restera
toujours identique, de petite taille en carton elle est très
joliment illustrée et porte sur un des deux rabats la nationalité
du modèle contenu. D'ailleurs afin d'éviter toute confusion, le
drapeau français est affublé d'un petit « F » dans sa
partie blanche afin de ne pas le confondre avec celui des Pays-Bas,
et celui de la Belgique d'un petit « B » pour éviter
toute confusion avec la RFA.
Au Danemark, la
Cooper-Norton disparait après le catalogue 1965-66, cependant
elle reste disponible à la vente jusqu'au à 1971, dernière année
où elle est mentionnée sur la grille tarifaire de Tekno. À
l'étranger, elle est encore illustrée en 1968 sur le catalogue
Tekno édité pour la Suède, ainsi qu'en France sur le
catalogue Solido alors importateur des jouets Tekno pour l'hexagone.
La version Danny Boy est assez ancienne et son pilote semble avoir fait de la gonflette. Même si il vante les mérites du lait, |
Rouge eu centre, la cocarde est bien britannique (11) |
Un article rédigé par Jean et Erwan Pirot
Crédits Photos :
(6) Collection de l'auteur
(10) The Dennis Minett Notebook édité en 1983 pour le VOC
(11) Collection Vincent Espinasse / l'Auto JauneLes autres photos sont © La Route Enchantée
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire