Chronique : Lone Star Road-Masters, l'éphémère série de 1956

Geneviève  le modèle phare de la gamme Road-masters
Londres, 1940 : c'est l'année du blitz, lorsque la Luftwaffe allemande bombarde la capitale britannique. Mais la vie doit continuer et, cette même année, un homme appelé  Robert "Bob" Mills travaille seul dans un garage du nord de Londres, concevant et construisant une machine de moulage sous pression qu'il a vendu pour un bénéfice de 100 livres. Avec son partenaire commercial, Sidney Ambridge, Bob Mills a enregistré un nom de société : Die Casting Machine Tools, connu sous les initiales DCMT.  Après la guerre, Mills part en voyage aux États-Unis et revient avec de nombreuses commandes pour ses machines.
 
De la construction de machines de moulage sous pression à la fabrication de produits avec ces machines, il n'y a qu'un pas. Du coup, en 1947, DCMT commence à fabriquer des voitures et d'autres jouets en métal qui sont distribués par une entreprise de jouets établie de longue date appelée Crescent. Bientôt, MM. Mills et Ambridge étendent leur production de jouets sous une nouvelle marque: Lone Star. Le choix du nom vient de l’État américain du Texas, connu sous le nom de "Lone Star State", ce qui correspond bien aux jouets comme les fusils, revolvers à amorces et autres insignes de shérif, qui sont bien sûr liés aux films de cow-boy et aux bandes dessinées si populaires dans les années 1950.
 
En 1956, DCMT a lancé sa première gamme de petites voitures sous le nom de Lone Star, leur titre complet étant "Lone Star Road-masters". Celles-ci furent présentés pour la première fois lors du salon annuel du jouet qui se tient à Harrogate, une ville dans le Yorkshire, au nord de l'Angleterre. Si le cinéma avait inspiré les jouets de cow-boy du "Wild West", on pourrait en dire autant des voitures Road-master. Un film populaire au Royaume-Uni en 1953 avait pour titre Geneviève, mettant en scène les vedettes John Gregson, Dinah Sheridan, Kenneth More et Kay Kendall. Ce film raconte l'histoire de la rivalité entre deux couples qui engagent des voitures vétérans dans la course Londres-Brighton, l'un conduisant une Spyker de 1904 et l'autre une Darracq de 1905 appelée "Geneviève", et de leur tentative de gagner un pari pour savoir qui serait le premier à rejoindre le Pont de Westminster. La voiture gagnante, "Geneviève", fut donc choisie comme premier modèle de la nouvelle série de Lone Star.
 
Publicité pour le célèbre magasin de jouets londonien Hamleys, montrant Geneviève et le coffret cadeau

 
1912 Ford Modèle T
Le plan était de jumeler des voitures anciennes avec leurs équivalents modernes. Le slogan sur la boîte indique  "des modèles réduits précis de voitures anciennes et nouvelles". Ainsi, une Ford modèle T de 1912 était parallèle à une Ford Thunderbird américaine, une Daimler de 1904 avec le dernier roadster Conquest et une Bullnose Morris de 1912 avec une MG TF sports parce que « MG » signifie « Morris Garages », la première MG étant basée sur une Morris.

1904 Daimler « Windsor » Phaeton. Les roues des
voitures  vétérans sont  en plastique  gris  argenté
La Darracq "Geneviève" était l'exception de cette série, puisque la marque (fondée à Paris en 1896), ne produisait plus de voitures et n'avait donc pas d'équivalent moderne direct. Peut-être que Lone Star a choisi de laisser ce modèle autonome, lui permettant ainsi de prendre une place plus importante dans la gamme en raison de la connexion avec le film. Lone Star avait fait ses devoirs puisque la boîte contient un texte informatif expliquant que des «détails authentiques» sur le prototype avaient été fournis par le magazine «Autocar» et par le propriétaire de la voiture de l'époque, Norman Reeves. Cette voiture existe toujours et se trouve au musée Louwman aux Pays-Bas. Aujourd’hui encore, il lui arrive parfois de participer à la course automobile des vétérans de Londres à Brighton !

La Ford Thunderbird première génération, à l'instar de la
Solido elle n'a pas de roue de secours à l'arrière du coffre
La boîte est peut-être la chose la plus impressionnante des Lone Star. C'est une affaire élaborée, avec un couvercle supérieur qui se replie pour former une carte d'en-tête avec une image colorée de la voiture. Sur le jouet les pièces en plastique sont nombreuses – le socle, les roues, les sièges, le volant, la calandre, les feux, le frein à main et même une ampoule de klaxon - mais souvent les petites pièces manquent. Un autre problème est que le type de plastique utilisé, l'acétate de cellulose, se déforme avec le temps. Même sur le survivant neuf et en boîte illustré ici, les essieux avaient commencé à se courber, (bien que le problème ait été résolu en utilisant un sèche-cheveux !).

La Daimler Conquest Roadster est une voiture que les
autres fabricants de jouets de l'époque avaient ignoré
Aujourd'hui, ce sont les trois voitures de sport Road-master des années 1950 – la Ford Thunderbird, la MG TF et la Daimler Conquest – qui séduisent davantage les collectionneurs, car elles reposent sur des sujets particulièrement intéressants. La Daimler est le choix le plus inhabituel car la marque est principalement associée aux limousines majestueuses. La Conquest Roadmaster de 1953 était une tentative de combiner l'artisanat traditionnel et le luxe avec des performances de 100 mph, mais elle n'a pas réussi à rivaliser la Jaguar XK 120 et seuls 65 exemplaires ont été construits.

Comme les voitures vétérans, les Daimler, Thunderbird et MG combinent des carrosseries moulées sous pression avec des pièces en plastique. Les pare-brise sont grossièrement en plexiglas et semblent avoir été découpés à la main. Sur les premières versions de Ford et Daimler, du plastique rouge était utilisé pour les roues et le châssis, puis finalement noir. La MG fait exception : des roues séparées avec des disques perforés ont été utilisées et celles-ci sont toujours noires, tout comme les sièges et le châssis. Certaines versions de cette voiture sont livrées avec des numéros de course et ont des jantes blanches sur les roues noires. De nombreuses couleurs de carrosserie différentes figuraient sur ces trois voitures: argent, vert clair métallisé, rouge, jaune, vert pâle et diverses nuances de bleu ont été vues mais il y en a certainement d'autres. L'échelle est entre 1/37 et 1/39, ce qui les fait paraître un peu grandes par rapport à un Dinky Toy de l'époque.

Les socles initialement rouge, deviennent rapidement noir
Malheureusement, les Road-masters n’ont eu que peu d’impact sur le marché du jouet. À l’époque, la combinaison de métal moulé avec plastique était assez inhabituel et était sans aucun doute perçu comme donnant aux jouets un aspect "bon marché" par rapport à la solidité d’un Dinky Toy. Ironiquement, Lone Star était en avance sur ce point, puisque l'utilisation de pièces en plastique est rapidement devenue la norme dans l'industrie. Une raison encore plus probable de la disparition rapide des Road-masters réside dans la concurrence. L'arrivée de Corgi la même année (1956) bouleversa le marché britannique, tandis que les "Models of Yesteryear" de Lesney proposaient de meilleures répliques de véhicules vétérans et vintage que les Lone Stars. Sa gamme plus large et sans doute mieux répartie sonna le glas des Road-masters.

La MG TF aux roues différentes de celles des deux autres modèles 1950's
En 1957, les Road-masters avaient déjà disparu, Lone Star se concentrant sur des nouveaux produits qui se vendaient mieux : des pistolets jouets avec une finition chromée spéciale "brillante". Quelques années plus tard, Lone Star a introduit une deuxième génération de voitures moulées sous pression, désormais appelées "Roadmasters" sans trait d'union et principalement basées sur des voitures américaines, vendues aux États-Unis sous le nom de Tootsietoys. Ceux-ci ressemblaient davantage à des jouets Corgi en termes de taille et de style et étaient pourvue de vitres et de suspension.

Il a fallu beaucoup de temps aux collectionneurs pour apprécier les Road-masters originales de 1956, mais elles sont désormais tout à fait désirables, et leur construction simple et fragile signifie que peu d'entre elles ont survécu à l'état neuf.  Je me souviens qu'un marchand de jouets dans les années 1980 offrait un stock de ces modèles au prix de seulement 3,50 £ pièce (circa 4 euros), mais je n'étais pas intéressé à l'époque. Des années plus tard, j’ai dû payer beaucoup plus pour les obtenir !
 

Un article rédigé par Andrew Ralston

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire