Chronique : Les toutes premières Minialuxe 1952/1953

À la fin des années quarante, la plupart des matériaux rentrant dans la composition des jouets miniatures automobiles de l’avant guerre vont très rapidement devenir obsolètes. Le « plâtre et farine », à base d’argile, va encore être utilisé un temps pour les quelques tardives C.I.J et J.R.D. ressorties après-guerre. Le plomb pour les dernières AR, notamment sur la série pléthorique des petits utilitaires Peugeot 301. Enfin, le celluloïd, considéré comme la première matière plastique, qui aura engendré de très jolis modèles hélas bien fragiles, attend la relève...
 
Extrait du catalogue pro 55/56, d'où les roues rivées et les coloris "réels".
 
 
 
Et, quand s’ouvre la nouvelle décennie, mise à part la tôle qui fait le grand écart entre les réalisations les plus luxueuses et les jouets dits de bazar assimilés au "Fer blanc", c'est le zamak qui s'impose. Et ce grâce à un alliage mieux maîtrisé et débarrassé de ses défauts de jeunesse, avec pour moteur des marques comme Solido qui poursuit ses fabrications de jouets démontables dans l'esprit de celles d'avant guerre, et Meccano qui domine le marché avec ses fameuses Dinky Toys. D'autres leurs emboîtent le pas comme la C.I.J. bientôt suivie par la firme J.R.D.. Mais en parallèle, un autre matériau va venir concurrencer cet alliage : c’est la matière plastique. Forte de ses avancées au pas de charge, l'industrie pétrochimique va rapidement, dans les années cinquante, en inonder le marché  avec de nombreux dérivés ( Rhodoïd, Rhodialite ), créant au passage chez les enfants ( et plus tard chez les collectionneurs ! ), une scission entre ceux qui apprécient cette nouvelle matière et ceux qui ne jurent que par le "métal".
 
Oyonnax dans les années cinquante, la rue Anatole France au niveau du numéro 122...
... Et au niveau du 110
C’est ainsi, qu’en 1952 une nouvelle marque va voir le jour dans l’Ain sous le nom de Minialuxe et proposer à son tour une gamme d’automobiles miniatures, qui, cette fois seront réalisées en plastique et plus précisément en Rhodialite ( Acétate de cellulose fabriquée par Rhone-Poulenc ). En raison d’un point de fusion moins élevé que pour le zamak, ce nouveau matériau nécessite des presses à injection plus performantes, mais par ailleurs, il permet des tirages élevés et un gain de temps non négligeable lors de la production grâce, entre autre, au fait que les  modèles sont directement teintés dans la masse. Plus de préparation de dégraissage, d’ébarbage, d’apprêt et de retouches éventuelles !!! Souvenez-vous du gamin rageur du premier catalogue de Norev, assis parterre avec, à ses côtés, une bouteille d’acide : « rien à faire pour enlever la peinture même avec une lime ! ». 

La nouvelle venue vient s’inscrire dans une lignée familiale ayant comme origine les établissements Grand-Clément créés en 1905 par Eugène Grand-Clément, le père, à qui succède son fils Édouard. Au tout début des années cinquante, la firme est déjà spécialisée dans les "applications diverses en matières plastiques", et plus précisément dans la fabrication de boutons, de boucles, d’agrafes et de peignes d’ornements de coiffure et mode.

Les bureaux et ateliers sont situés au 168/170 rue Anatole-France dans la commune d’Oyonnax. On ne parle pas d’usine, car l’assemblage des modèles se fait  « à façon », c'est-à-dire à domicile, essentiellement par des femmes ( aidées parfois de leurs enfants ), comme c’est la coutume à l’époque pour la confection de nombreux produits artisanaux.
 
Ce n’est, à priori, qu’à partir de 1953 que les premières automobiles, d’abord au nombre de quatre, vont faire leur apparition. Elles font partie d’une gamme un peu hétéroclite où l’on trouve pèle mêle : un chariot bâché "Le Far.West" qui deviendra un chariot d’émigrants sous le nom de "La Pampa", une roulotte de gitans "Les Gitans" qui sera rebaptisé "Les Romanis" ou un cylindre routier qui bénéficiera plus tard d’un joli coffret "Les Travaux Publics". Suivront une série de camions dont les tracteurs, d’origine Anglaise ( ? ), seront couplés avec une ménagerie, une caravane, un transporteur d'autos ou une citerne. Il y aura aussi de très beaux coffrets, comme une étonnante "Fête Foraine" , et des garages. Le point commun à toutes ces réalisations étant des boîtages très joliment illustrés, avec pour constante l’absence totale de tout marquage Minialuxe, que ce soit tant sur les boîtes que sur les modèles eux-mêmes. Les voitures, elles, auront plus de chance, car sur les premiers conditionnements de six unités, la marque figurera bien, avec la spécificité d’une écriture originale : "Minia-Luxe". En revanche, pas de référence sous le châssis si ce n’est, dans le moulage, le nom du modèle et un laconique "déposé".
 
Avec le recul, le choix de ces quatre premiers modèles parait assez judicieux et surtout particulièrement éclectique : une berline Hotchkiss Grégoire pour le haut de gamme, une berline 15-SIX qui se positionnait alors comme  "la reine de la route" chez Citroën, une Simca 9 Aronde ( automobile particulièrement présente sur les routes de France en ce début de décennie ) dans le milieu de gamme, et enfin, une fourgonnette 203 Peugeot pour les utilitaires. À noter également qu' à part l’Aronde, les trois autres modèles resteront  inédits au 1/43ème,  et que, malgré un réalisme incertain, ils ont dû très certainement combler des vides dans nombre de collections de l’époque. Suivront assez vite (fin 53 ?) deux autres modèles moins originaux : une Ford Vedette et une Renault Frégate, qui s’avèrent particulièrement rares dans leur première version. Les couleurs, interchangeables d'un modèle à l'autre, sont vives avec des teintes détonantes comme des oranges, des jaunes ou des verts pomme, quelques unes, plus réalistes, faisant exception ( Par la suite, vers 55, la palette gagnera en crédibilité ce qu'elle perdra en charme ).
 
Notons au passage deux détails qui valent un éclairage : il semblerait bien que Minialuxe ait été le premier fabricant de jouets à avoir sorti la Simca 9 Aronde, Norev et Dinky toys en proposant leurs versions respectivement au troisième trimestre 1953. D’autre part, la 15-six Citroën représentée n’est pas une "année modèle" 1953. Son coffre proéminent est en réalité un accessoire assez courant à l’époque (le positionnement des charnières est d’ailleurs sans équivoque), qui permettait d’en optimiser le volume, celui de la Traction ne brillant pas par sa capacité d’accueil des bagages. Ce qui nous fait dire que ce modèle ( et peut être les trois autres ? ) a dû être élaboré dès 1952 ! 
 
Ces réalisations, plutôt naïves, se situent donc dans ce que l’on a coutumes d’appeler les jouets de bazar. Minialuxe se positionnant, en quelque sorte, plus comme un sous-traitant que comme une marque à part entière. Pas de marquage des jouets dans leur ensemble, pas de publicité dans les revues spécialisées, pas de catalogues… Du coup, encore aujourd’hui, la paternité de certains d’entre eux n’est connue que de quelques initiés et, à l’inverse, certains autres ( on pense bien entendu aux miniatures Plastica ) lui seront souvent attribués à tort. Très vite, des agents exclusifs, en la personne de Messieurs Verpiot et Mameaux, vont en gérer la "vente aux grossistes & exportateurs" et ce jusqu’au début des années 60. Par ailleurs, quelques modèles viendront équiper des garages d’autres marques à l’instar, plus tard, des pompes à essences et autres ponts élévateurs ( comme sur les gros garages BP de la marque C.I.J. ).
 
Noël au Bon Marché / Octobre 53 - "2 autos en plastique" décorent ce joli garage 

Aux Galeries Lafayette / Octobre 53 - "Station-service et voiture matière plastique couleur"
cette fois ci c'est bien d'un ensemble Minialuxe qu'il s'agit ! 

Station-service grand modèle et son boîtage d'origine - elle existe aussi de couleur blanche.
 
La conception des miniatures est assez rudimentaire, une caisse et un châssis en plastique simplement assemblés par collage. Seuls les phares, de couleur blanche, sont rapportés. Les roues (type1), plutôt originales mais pas très réalistes, donnent la signature à la série. Elles sont légèrement convexes, avec en leur centre un petit téton, et chaussées de pneus crantés de couleur gris clair. L’axe métallique qui les supporte par simple emboîtage est lui-même maintenu au châssis par deux "petits ponts" qui s’avèrent malheureusement très fragiles. Trois coloris de roues sont à distinguer avec chronologiquement : beige clair type 1A, gris beige (mastic) type 1B et, conjointement à l’arrivée des Vedettes et Frégates, beige orangé type 1C. 

C’est sur la dernière version de roues (1C) qu’apparaîtront les premières galeries (de couleurs blanches, noires ou grises), Minialuxe parlant de "fixe au toit  supportant au choix 3 valises matière plastique ou 1 canoë matière plastique". Sur les boîtages de six pièces ces versions équipées de galeries prendront la dénomination de "Série Week End". Par ailleurs, il semblerait que La Frégate et la Vedette n'en aient pas été équipées dans leurs premières versions ? Cela est peut-être dû à leurs sorties décalées et aussi au fait que leurs toits, plus bombés que les autres modèles, ne se prêtaient pas trop à la fixation (collage) de ces galeries. D'ailleurs, par la suite, les versions "week end" demeureront rares pour ces deux modèles. Enfin, l’hypothétique version comportant quatre pneus reste un mystère ? ( vue une fois dans une collection de 203 et une autre fois un lot de quatre pneus orphelins… sachant que les pneus des premières séries sont, avec le temps, devenus pratiquement indémontables ! ). 
 
 
Roues type 1A - Carrosseries noir, rouge, grenat, vert soutenu, bleu clair...

Roues type 1B - Carrosseries bleu clair, bleu violet, orange, vert, jaune...

Roues type 1C - Apparition de la série Week end. Carrosseries noir, gris clair, gris foncé, jaune
citron, jaune d'or, vert pomme, vert pistache, bleu marine, bleu clair, orange,  rouge (variantes)...

Roues type 1C - Au premier plan les nouvelles Vedettes et Frégates

                                                                                                                à suivre les modèles 54/55...
 
Un article rédigé par Vincent Pirot

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