Essai : Norev - Simca 9 Aronde, la première miniature au 1/43ème

En 1953, l'entreprise Norev créée par les frères Véron 6 ans plus tôt, s'installe à Villeurbanne au 53 rue du 4 août. Même si l'usine ne s'étend pas encore jusqu'au 65 de la rue, l'entreprise a bien grandi et il est temps de s'orienter vers d'autres horizons. L'automobile est, notamment grâce à Dinky Toys, CIJ et JRD le nouveau créneau à conquérir. L'idée est donc de délaisser les quelques miniatures de petite taille déjà en production pour quelque chose de plus compétitif. Dans l'intervalle un scooter au 1/32ème est projeté, mais alors que la Vespa est prête à entrer en production, la marque BS lance sa propre miniaturisation à la même échelle. Le coup peut sembler dur, mais il sera salutaire, Norev fabriquera donc des automobiles au 1/43ème de grande qualité. Mais en plastique !

Si Yves Chaland, chef de file du néo classicisme Franco-Belge dans la bande dessinée des années 80, avait fait conduire à son héros Freddy Lombard, une Simca 9 Aronde dans l'album « Le testament de Godefroid de Bouillon » paru aux éditions Magic-Strip en 1981 ; c'est uniquement par ce qu'il avait appris que l'Aronde avait été la voiture la plus vendue en France au milieu des années cinquante. Pour les miniatures, ces chiffres de vente, et donc la popularité d'une automobile, étaient le gage d'un succès assurées auprès des enfants voulant avoir « la voiture de Papa » en réduction ; chose qu'André Citroën avait compris dès les années 20.

Néanmoins, on sait que Norev s'est d'abord tourné vers Ford France S.A. afin d'obtenir l'autorisation de reproduire la Vedette, et qu'éconduits pour manque d'expérience en la matière, les frères Véron sont de ce fait allés voir chez Simca si là on leur donnerait la chance de débuter dans l'aventure automobile en réduction. De cette rencontre, une estime mutuelle naquit entre Joseph Véron et Henri-Théodore Pigozzi grand patron de la Simca, dont le résultat le plus visible aux yeux du public, fut que Norev s'attacha tout au long des années 60 et 70 à être très réactif quant aux reproductions des voitures de la firme de Nanterre.
 
Exemplaire de pré-série aux jantes bleues
À posteriori, on peut se dire que ce refus de Ford fut une deuxième chance après l'aventure de la Vespa. Il n'est pas certain que l'étude entamée sur la Ford Vedette concerna le millésime 54. Et pour un fabricant de jouet sortir dans les années cinquante un modèle devenu trop rapidement obsolète était une catastrophe. Les coûts de conception était si importants que si Norev avait sorti la Vedette 49, c'eut été un vrai coup dur. Certaines marques firent les frais de ce genre d'incident, Meccano a superbement bien rendu l'ovale de la calandre de la Citroën 2CV 24T, mais presque au moment de la sortie du jouet, Citroën avait supprimé cet ornement de calandre. La 2CV de chez Beuzen et Sordet au 1/32e tout comme la Dinky Toys demeurera inchangée jusqu'à la fin de sa production, on peut aussi noter antre autre, la Renault 4L dont la nervure de capot sera absente tout du long de sa carrière. Un autre exemple : au Japon, la marque Taiseya sort dans sa série Cherryca Phenix, la Datsun Bluebird "312" 1962 avec un peu de retard en 1963, et devra la remplacer par la version "410" présentée par Datsun en septembre 1963. Tout ceci nécessitant un nouveau moule et une nouvelle perte financière pour Taiseiya marque plus portée sur le luxe des finitions que sur la rentabilité industrielle. Il en résulte une miniature excessivement rare pouvant atteindre une cote importante.

L'aronde Norev sort à l'automne 1953, la date exacte de lancement n'ayant pas été, comme ce sera la cas à partir de la fin de l'année 1956, relayée par la presse enfantine, nous ne la connaissons pas. Néanmoins "Nos Jeux nos Jouets" et "l'Officiel du jouet" annonce la nouveauté en octobre 1953 soit en même temps que la Dinky Toys.

Avec l'Aronde dans sa version 1951, Norev va pouvoir tester tout son savoir faire acquis dans le jouet de bazar et autre "bimbeloterie", elle servira avec la Ford Vedette, à mettre au point les techniques qui feront le succès de la gamme 1/43ème. En effet c'est sur ces deux modèles qu'on peut observer la très rapide évolution des miniatures de Norev avec de très nombreux petits changements tout au long de leur production.

À une époque où quasiment toutes les miniatures au 1/43ème sont encore livrées en boîtes « détaillant » par 6 ou par 12, Norev choisit directement l'étui individuel. Il en existe 4 variantes principales pour la Simca 9 Aronde. Les trois premières sont appelées boîtes « Lapin » par les collectionneurs en raison du logo Norev de l'époque : Un lapin jouant de l'accordéon. La dernière boîte appelée "boîte caisse" ou  "boîte container" arrivera tardivement sur le marché à cause d'un stock important de boîtes pour le millésime 54 encore à écouler au moment de la sortie de l'Aronde Élysée en 1956.

Pont non tronqué avant les "mécaniques"
Première version (1953) : Si les essais de pré-série sont fait en bleu clair et bleu pailleté tirant sur le
gris, les modèles commercialisés, seront gris ou beige (avec deux nuances distinctes pour cette dernière couleur), livrés dans un étui individuel en carton vert et bordeaux très vite remplacés par une deuxième mouture rouge et bleu. Cette première version de l'Aronde se reconnaît à son absence d'antenne, ses phares « diamants » et au fait que son châssis doré au pont non tronqué est maintenu par deux cheminées de plastique intégrées à la carrosserie et chauffées au niveau dudit châssis afin de le fixer à la carrosserie.

Deuxième version (1954) : Elle ci ne diffère que par l'adjonction d'une antenne, celle ci ayant été introduite sur la Dyna Panhard sortie en 1954. En revanche il existe une version 2 bis bien plus rare, « bicolore ». Contrairement à ce qui sera mis en place à partir de la Simca Versailles, soit des parties en plastique de couleurs différentes, moulées séparément puis collées entre-elles, ces Arondes reçoivent sur leur pavillon, un voile de peinture. Les coloris connus sont : Gris toit vert, gris toit bleu et beige toit rouge. Bien plus confidentielles que les Vedette « bicolore » issues de la même technique de production, il n'existe contrairement à ces dernières, aucune documentation d'époque relative aux Arondes bicolores.

L'Aronde bicolore serait donc un produit un peu tardif, proposé à partir de la sortie de la Ford Vedette en 1954, voire peut-être après, tant les exemplaires de la version sans antenne sont rares.

À noter, un curieux exemplaire unicolore, gris, équipé de phares type 2 et d'un châssis type 2 maintenu par des rivets, jusqu'à maintenant présumé unique.

 
Troisième version (1954) : L'Aronde 1954 possède une nouvelle calandre de nouveaux phares donnant l'impression d'une ampoule en leur milieu, et le sertissage du châssis se fait au moyen de rivets en plastique collés. Le moule est légèrement retouché sous la calandre, on ne peut donc pas adapter un calandre du modèles précédent et vice versa. Dans les faits la Version 54 est certainement sortie en 1955 mais en l'absence de documentation vu sa courte carrière, il est difficile d'en être certain.
 
Les couleurs changent, le gris et le beige ainsi que les versions bicolores sont abandonnées. Les nouvelles seront Ivoire (peu courant), bleu, gris-bleu (pâle et foncé), et bleu nuit, il pourrait exister une version noire dont seul la boîte a été retrouvée à ce jour, mais il est probable qu'à l'instar de certains exemplaire de la première variante de la Simca Trianon de couleur vert très foncé ou bleu très foncé dont la boîte présente parfois un cachet "noir", cette boîte ait accueilli une bleu nuit.
 
Le châssis des premiers modèles reste inchangé mais rapidement l'introduction des versions mécaniques va en changer l'apparence. Le pont sera tronqué, que la miniature soit mécanique ou non. À cette occasion, l'arrière du pavillon sera légèrement évidé pour laisser tourner la roue d'inertie des version mécaniques. Les premières versions mécaniques sont équipées d'un châssis doré mais très vite, le noir sera de rigueur contrairement aux versions « collection » qui continuent à recevoir un châssis doré un peu plus longtemps.
 
Version 3bis (1955) : On ne saura sans doute jamais si il s'agit d'une tentative de concurrencer Minialuxe avec une gamme «économique» ou d'une demande publicitaire, mais il existe à l'instar de la Vedette, de la Citroën 15-6 et de la Dyna Panhard, une version dépouillée au châssis sans marquage, aux roues monobloc blanches et à l'accastillage laissé en plastique brut, non chromé. Les coloris possibles sont rouge ou jaune en plastique dur, ou encore bleu ou vert en plastique souple. La résurgence de ce type de modèles dans des endroits géographiquement très éloignés laisserait penser à une prime lors du tour de France ou d'une caravane d'été sur le littoral à l'été 1955. 
 

 
Quatrième version (Avril 1956-59) : Cette fois ci le moule est très retouché pour la version Élysée et les pare-chocs avant et arrières sont redessinés. Les couleurs sont bleu nuit (peu courant), bleu-clair, bleu-gris, marron brique (deux nuances) et vert. Tardivement, une version jaune, sera fabriquée de manière très confidentielle. Visiblement la décision de créer cette dernière version de l'Aronde est arrivé en même temps qu'une importante livraison de boîtes du modèle précédent, car si l’Élysée est disponible en 1956, sa boîte « Caisse » type container ne sera crée qu'en 1957, entre-temps Norev écoulera sont stock de boîte d'Aronde 1954 d’abord avec un cache indiquant le nom du nouveau modèle sur le rabat, puis sans. À noter que beaucoup de boîtes « Lapin » contenant une Élysée bleu ciel comportent un tampon « Gris-bleu ». Au cours de lannée 1957 l'antenne longue laisse sa place à la version courte, les modèles livrés en boîte « caisse » ont à priori toujours une antenne courte, mais ceci reste de la théorie. 
Enfin pour les plus endurcis, les vrais baroudeurs du plastoc, on peut noter que malgré une utilisation massive de la boîte "lapin" de la version précédente, l'Élysée se trouve dans trois boîtes "caisse" différentes. Le premier tirage porte la mention "Modèle n°1". Sur le deuxième tirage, certainement de 1958, on ne lit plus que "Modèle n°" sans chiffre. Ceci est dû au méga-cafouillage survenu avec la sortie des deux modèles équipés de galerie avec skis. Quelqu'un chez Norev s'est visiblement emmêlé les pinceaux et a donné les même références à plusieurs voitures différentes. Le troisième tirage, du même imprimeur que le premier, ne comporte plus de référence du tout car il a été décidé d'abandonner tout le système. Il faudra attendre fin 1961 pour revoir des références sur les boîtes des Norev avec une refonte de la numérotation en dépit de l'ordre de sortie des miniatures, et une réutilisation systématique des numéros de référence des modèles dont la fabrication est abandonnée... Gros casse-tête sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.

 

Les versions 1, 2 et 2bis reçoivent les étiquettes Rhodialite type 1. Les versions 3 mécaniques et collections aussi dans un premier temps, puis en 1955 les nouvelles étiquettes rouges pour les mécaniques et bleus pour les collections. L’Élysée dont la carrière se terminera avec l'étiquette double rouge arrivée en février 1957 commencera sa carrière avec les étiquettes simples bleu ou rouge selon que la miniature sera mécanique ou non.
 
En 1959, l'Aronde s'éclipse discrètement du catalogue pour laisser place à la P60, il semble que contrairement à la Ford Vedette 54, il n’y ait jamais eu de version tardive sans antenne de l’Élysée. 
 
Un article rédigé par Erwan Pirot

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