Un rêve de papier : 1955 Le premier catalogue des automobiles Norev

Stop !  les quelconques bagnoles, priorité aux miniatures de NOREV sur la route du succès. Et du succès elles vont en avoir durant
vingt ans auprès des enfants, puis des adultes avec la création de la ligne noire et les séries suivantes depuis le milieu des années 80.
 
La rue du petit pont, une des plus anciennes rues de Paris
Mais revenons à l'accroche de la couverture de ce catalogue... Oui nous lisons bien "bagnoles", si de nos jours ce terme ne pourrait plus choquer quiconque, on peut en revanche s'étonner de le trouver imprimé en couverture d'un catalogue de jouets au milieu de ces années cinquante encore totalement soumises à une censure, quand ce n'est pas une auto-censure, pour tout ce qui concerne la jeunesse. Norev ne recommencera plus. La conception des futurs catalogues sera peut-être même donnée à un autre bureau d'étude et dès l'année suivante les catalogues seront traités en style "moderne".
Ce très joli catalogue, premier de la gamme 1/43ème des miniatures de Norev, a bénéficié de deux tirages. Le premier est lancé peu après la présentation par Ford France de la nouvelle Vedette. Mais très rapidement, grâce à un jeu de fusion, la filiale française de la célèbre marque américaine tombe officiellement dans le giron de la S.I.M.C.A. d'H.T. Pigozzi. Durant ce court laps de temps, Norev commande soit un retirage, soit un complément, voire pourquoi pas la suite du tirage qui aurait pu être suspendu en attendant une information définitive quant au nom à faire imprimer. Sur cette deuxième version il n'est donc plus mention de la marque Ford, néanmoins si la Trianon est ajoutée à la Versailles, Simca n'est pas encore mentionné. Pressé par le temps, Norev n'aura peut-être pas pu attendre trop longtemps au risque de retarder trop fortement son programme de réclame.
 

Un peu suranné, mais combien de foyers possèdent un téléviseur en 1955 ?
Outre la manifestation d'une passation de pouvoir qui sera, quelques années, plus tard vécue comme un drame au moment de la sortie de l'Ariane 4 par certains concessionnaires devenus Simca, ce catalogue offre une vision de la publicité encore un petit peu vieillotte. Tonton Joseph donnant du cher (petit) ami depuis un téléviseur qui n'a pas encore connu le style atome, clame haut et fort que les Miniatures de Norev c'est du bronze, que les constructeurs automobiles se battent pour faire reproduire leurs charrettes par la firme de Villeurbanne et qu'il ne faut surtout pas se faire refiler une quelconque bagnole mais exiger une Norev ! Cependant son argumentaire n'est pas dénué d'une certaine vérité, car à cette époque la concurrence sérieuse a tout misé sur le zamak. Et malgré toute la bonne volonté, balbynienne notamment, force est de constater que les Norev avec leurs parties chromées rapportées (et ce dix ans avant Solido ou Spot-On), et la finesse de détails qu'offre la Rhodialite, deviennent en très peu de temps de superbes modèles d'une marque qui apprend très vite a gérer toutes les difficultés, depuis la création jusqu'à l'injection. La 4cv Renault qui n'est que le cinquième modèle proposé par Norev, offre une rare perfection de justesse de ligne et de détails. Sortie en 1955, elle sera produite jusqu'en 1972 puis connaîtra une seconde carrière sous la marque Eligor.

 
La présentation des automobiles est exclusivement axée sur la nouveauté. Le consumérisme arrive à grand pas et il faut du changement permanent pour attirer les jeunes clients. 
À part la Citroën 15-6 qui aurait mérité un millésime identique, tous les modèles photographiés sont indiqués "54", y compris la Simca 9 Aronde 51 ! L'évolution suivante étant certainement déjà en préparation mais n'ayant pas eu le temps d'être immortalisée. Les gosses ont bien dû ricaner... Surtout ceux qui préféraient les voiture en "fer".
Les photos noir et blanc des miniatures sont colorisées et les fonds sont faits de dessins de style enfantin, on sent que le merveilleux système de réclame que Norev va rapidement mettre au point est en gestation : en effet, dès le catalogue suivant exit les photos. Il faut de la couleur ! Et en cette période, seule l'illustration permet des couleurs éclatantes et attractives. Peut-être l'idée est elle venue simplement de l'illustration de la Versailles et de la 203 qui, n'étant pas encore entrées en production, sont représentées sous forme de gouaches. Là encore une petite interrogation, est-ce déjà Ray Léonard ? Le graphisme est encore un peu hésitant par rapport à celui à venir. À moins qu'il ne s'agisse d'un autre artiste...

Encore sous forme d'illustration, on trouve des arguments très "avant-guerre" montrant des garçonnets faisant subir les pires sévices à leur jouet. Celle avec une caisse à outil et une bouteille d'acide (sic) est sidérante ; combien de petit citadins auraient de nos jours accès à ce genre d'arsenal ? L'autre page en regard est très amusante car elle illustre un des grands mythes "norévien"... Il se raconte le soir au coin de la cheminée, que Monsieur Joseph allait parfois, à cette époque, vêtu d'un grand manteau, le feutre bien enfoncé sur la tête, le col relevé afin de passer incognito, dans des magasins de jouets, achetait une quelconque bagnole, et devant le boutiquier médusé, la lâchait de sa hauteur sur le sol (si possible carrelé). Puis sortait de sa fouillouse une Miniature de Norev, faisait la même chose et prouvait l'immense supériorité de ses productions !
 
Mais le travail de sape ne s'arrête pas là ! Les Véron brothers sont même allés chasser sur des terres hostiles comme le montre cette accroche honteusement "pompée" sur l'argument massue de toute la politique de réclame de Dinky Toys !
 

Au chapitre des grands regrets on peut noter le coloris utilisé pour la 203. Seules les 4cv et les Ford Vedette 54 seront injectées en Rhodialite de couleur bordeaux en 1955. Cette couleur ne sera plus jamais utilisée par Norev et la 203 ne connaîtra jamais ce beau coloris, apanage du début de production de la 203 Dinky Toys concurrente. Une très furtive version rouge sera commercialisée en 1967 avec des roues dites "soleil" : unique rapprochement au coloris du catalogue.


Attardons nous un instant sur la dernière page de réclame. Les panneaux de signalisation routière sont déjà disponibles, et le fameux "Code route 24 panneaux avec une voiture" l'est aussi, sans pour autant indiquer la nature de la dite miniature. Nul doute que ces premiers coffrets auront été fourrés à la Simca 9 Aronde "51", aucun industriel sérieux ne proposant une nouveauté dans ce genre d'article.
Encore une fois l'autre page est très intéressante, on n'y parle pas encore des fameux 12000 tours minutes, mais les Norev mécaniques sont bien "lancées" et il y a fort à parier que la Citroën 15-6 fut bien la toute première Norev mécanique produite.

Des antennes droites comme des "i", des chromes époustouflants, une Vedette 54 plus bleu pâle que nature, une douce chaleur nostalgique, la cristallisation d'une époque avec cinq voitures et trois devantures de magasins... le catalogue Norev 1955 est assurément l'un des plus beaux catalogues de jouets de la décennie...
 
 
Un article rédigé par Erwan Pirot

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