Essai : Nakayama Miniature Pet - Opel Kapitän "Der Opel aus Osaka"

J'ai connu Veit Golinski, collectionneur hambourgeois, par le biais du Jouet Parisien et bien que nos échanges n'aient été jusqu' à maintenant qu'épistolaires, le courant est automatiquement passé. Assez rapidement j'ai compris que  Veit fait partie de ces gens pour qui prime le coup de cœur sur le côté "complétiste", allant donc un peu dans tous les sens et s'intéressant à toutes les époques et toutes les nationalités d'origines des jouets qu'il collectionne.
 
Il y a un peu plus d'un an, suite à un échange de vues sur la vie en général et les automobiles en particulier, je recevais un courriel dans lequel, il évoquait des photo-montages qu'il réalisait avec sa compagne. Il s'agissait d'un travail d'intégration d'une ou plusieurs miniatures dans une vue photographique d'époque, généralement une carte postale. Comme je me montrais très intéressée, je reçus une série de vues alliant souvent poétiques, incluant des clins d'œil quant à la relation entre les automobiles et les lieux photographiés, le tout avec une bonne dose d'humour telle cette vue de deux femmes japonaises s'inclinant
Notez l'étiquette promotionnelle
respectueusement devant une Nissan Cedric garée au pied d'un Torii. Je lui renvoyais illico une réponse enthousiaste et m'attardais sur la photo d'un modèle que je n'arrivais pas à situer... Je voyais bien une Opel mais n'en reconnaissait pas le fabricant du jouet. J'eus rapidement l'information, il s'agissait d'une Miniature Pet.

Veit m'apprit qu'il comptait faire un livre avec ses photo montages, et aussi qu'il avait écrit pour une revue d'amateur d'automobiles anciennes, d'outre Rhin, un article à propos de cette rare miniature.

Vous trouverez ci-dessous l'article en question, quant au livre, il devrait sortir prochainement aux éditions Delius Fine Books, Berlin en version bilingue allemand et anglais. Nous y reviendrons au moment opportun.

 
Nous voici devant une vraie rareté. Même si l'Opel Kapitän fabriquée par Miniature Pet en 1962 n'a pas l'air particulièrement spectaculaire à première vue, elle est au moins remarquable pour une chose bien précise : C'est une des miniatures automobiles les plus rares nous venant du Japon.
 
Au début des années soixante, lorsque la tendance des jouets en tôle s'est orientée vers de plus petits modèles en métal injecté, le fabricant de jouets Nakayama a lancé la marque Miniature Pet, malheureusement un peu tardivement pour concurrencer Asahi (Model Pet) et Taiseiya (Micro Pet, Cherryca Phenix), qui étaient déjà bien implantées au Japon avec leurs gammes d'autos miniatures respectives.
Ces marques s’adressaient presque exclusivement à un public japonais, il est donc très étonnant que Nakayama ait choisi une Opel, marque peu connue au Japon, comme première référence de sa nouvelle gamme au lieu d'une voiture japonaise voire d'une américaine populaire sur place. 
 
La boîte en carton particulièrement soignée et magnifiquement conçue, indique simplement Opel, sans désignation de type précise, complétée uniquement par le numéro de série du modèle : "No.1 Opel".

Prise de vue aussi audacieuse que réussie
Son contenu est une Opel Kapitän P1 2.5, surnommée "Schlüsselloch-Kapitän" soit "Kapitän trou de serrure", en raison de la forme de ses feux arrière. En revanche, c'est moins clair sur la boîte. En effet, les illustrations colorées encore très années cinquante montrent sur le dessus du couvercle une Kapitän ressemblant à une P1 2.5 (sigle Opel sur la calandre et non sur l'avant du capot, ainsi que pare-brise panoramique), quand sur le côté, une Kapitän P2 2.6 de 1959 bleu-ciel, reconnaissable a ses montants de custodes inclinés et non plus en "C" est clairement illustrée. Il semblerait que les ingénieurs de la Miniature Pet se soient un peu perdus avec les nombreuses versions de la Kapitän, et la longueur des ailes arrière de leur P1 un peu exagérée suggère plus le profil d'une P2...

La Miniature Pet n°1, quelque peu maladroite, n'atteint pas le niveau de réalisation de la concurrence de l'époque, mais cela lui confère un charme particulier, auquel contribue également une fabrication de haute qualité. Contrairement à ce qui est habituel avec les modèles au 1/43ème, l'intérieur n'est ni en plastique ni en zamak, mais en tôle lithographié (comme la 403 CIJ vitrée en France), ce qui pourrait ressembler à une luxueuse réminiscence de l'ère des jouets tôle qui touche à sa fin. 
 
Mais en vain : comme la "Schlüsselloch-Kapitän" de Rüsselsheim, produite durant un an seulement, l'Opel d'Osaka s'est également avérée être un échec. L'une comme l'autre étaient déjà démodées à leur sortie et ne reflétaient pas l’air du temps. Prenant au mot le nom d'Opel n°1, elle reste le premier et l'unique modèle de la série Miniature Pet, Nakayama ayant immédiatement abandonné après cet échec ce qui est à priori un fait rare dans le monde des voitures miniatures.
 
 
Pour la photo nous avons transplanté la rare Opel japonaise au Col du Julier en Suisse. Là, deux randonneurs, initialement destiné aux trains miniatures du constructeur Hornby, venus d'Angleterre, s'émerveillent devant ce modèle...

Du point de vue technique, la Miniature Pet s'inspire bien évidemment des Model Pet d'ATC, mais est beaucoup plus soignée. La peinture, malgré un petit défaut courant au niveau de la baie de pare-brise, est très belle. On peut regretter une version bicolore qui aurait rendu le modèle encore plus attractif. Les jantes à insert, inspirées des réalisations de Tekno ne perdent pas leur aspect brillant et le châssis est solidement riveté à la carrosserie.
L'étiquette promotionnelle nous apprend que l'échelle choisie est le 1/47ème ainsi que quelques détails techniques de la véritable automobile. On peut trouver cette Opel Kapitän dans trois coloris : Gris-bleuté métallisé, brun métallisé et vert émeraude dont il existe deux nuances légèrement différentes.
 
L'Opel Kapitan de la Nakayama Shoten Miniature Pet est un très beau jouet, malheureusement du fait du caractère éphémère de cette réalisation aucune information tangible n'est trouvable. De plus, alors que d'après les quelques sources d'information Nakayama aurait été un fabricant de jouets avant même de se lancer dans la miniature en zamak, absolument aucun jouet ne semble avoir été produit pas cette marque. Enfin notons que shoten veut dire magasin en japonais, et que finalement cette Opel pourait être le fruit de l'enthousiasme du dirigeant d'un magasin de jouets voire de modélisme, dont le patronyme était Nakayama, nom tout aussi répandu que Dupont chez nous. Ceci expliquerait premièrement le choix d'une voiture peu commune et plutôt destinée à des amateurs éclairés qu'à de simples garnements,  et deuxièmement, que devant le peu de succès suscité par cette Opel, la marque ait disparue aussi vite qu'elle était apparue.
 
Cet article ne saurait être complet sans mentionner Andrew Ralston qui (avec la complicité de Bruce Sterling) avait bien évidemment évoqué l'Opel Miniature Pet dans son livre "Toy cars of Japan and Hong-Kong" sorti en 2001 chez Schiffer publishing Ltd.
 
L'article de Veit Golinski a paru dans le magazine Auto Bild Klassik en Allemagne

La mise en scène au col du Julier est © Barbara Eismann, Veit Golinski. The picture was taken from the photo book „Small cars, big world“, that will appear in 2024, published by Delius Fine Books, Berlin.

Les autres photos sont de ma collection personnelle

Un article rédigé par Veit Golinski, traduit et annoté par Erwan Pirot



Ps : Et la P2 me direz vous ? Nous avons réussi (nous sommes comme ça à La Route Enchantée) à dénicher le très rare documents ci-contre. Celui ci, outre le fait qu'il nous permet de nous rendre compte de la différence de traitement de l'arrière entre la P1 et la P2, nous montre Joseph Véron en vacances dans les Alpes bavaroises, au volant de sa Kapitän P2 flambant neuve, et se demandant si finalement il n'a pas fait une connerie de parier avec son frère Émile, qu'il passerait sans problème avec sa nouvelle voiture sur ce frêle pont de bois... Cependant, l'on sait soixante ans après, que c'est exactement à ce moment-là qu'il fomente sa revanche. Il va parier avec Mimile, que ce dernier va se ramasser avec sa nouvelle lubie : Majorette. Il est certain que ça va être un four, il en rit déjà, imaginant les bonnes blagues qu'il pourra faire lors des futurs repas de famille.
Comme quoi le "Tigre de Villeurbanne" n'avait pas toujours des visions infaillibles, et que Vanitas vanitatum et omnia vanitas les amis !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire