
La
série 24 britannique est un exemple parfait, car elle inaugure l'arrivée de l'industrie du jouet automobile en Europe.
Meccano va en quelques années, apprendre très rapidement de ses erreurs jusqu'à proposer
peu après la deuxième guerre mondiale, des jouets dont le système
de fabrication, s'il tendra vers une sophistication, ne sera jamais
profondément changé, influençant quasiment toute la concurrence.
Pour un français amateur de Dinky Toys, la série 24 est avant tout cette collection de modèles réduits de voitures des années cinquante, incluant de superbes modèles tels que la Buick Roadmaster, la Simca 8 Sport, la 11BL et tant d'autres qui firent rêver toute une génération d'enfants ayant grandi dans cette décennie. Même si ces collectionneurs le savent plus ou moins, la Série 24, en France, n'a pas commencé à la fin des années quarante, mais bien plus tôt au milieu des années trente quand la firme britannique Meccano décida de faire fabriquer des homologues français de sa Série 24 fraîchement créée.
En
France, la "Série 24" sera celle des automobiles,
jusqu'à ce qu'elle soit rebaptisée 500 en 1959. Le système
britannique étant différent, la Série 24, sera suivi par les
Séries 30, 36, 38 et 39 avant la deuxième guerre mondiale, puis par
la série 40 après-guerre, puis tout sera rationalisé dans les années cinquante.
La
première Série 24, celle sur laquelle porte cet article, est née
en Angleterre à Liverpool en 1934. Les quelques modèles parus avant
celle ci avaient pour marque "Hornby modelled miniatures",
il s'agissait à la base d'articles en alliage de plomb créés pour égayer de décors les trains de la marque Hornby (du nom du créateur du Meccano et des
Trains éponymes). Meccano travaillant par "Series" comme nous l'avons vu
plus haut, va donner le numéro 22 à cette première ébauche de jouets
automobiles à une échelle plus ou moins proche du 1/45ème. Dans cette série assez disparate, on trouve un très joli tracteur, deux camionnettes, un tourer, un coupé et un tank, soit un joyeux fourre-tout. Pour cette nouvelle série, plus question de mélanger les genres, à l'aide d'un seul type de châssis et de calandre vont être créées huit automobiles différentes et très vite un nom est
recherché car la série 24 semble elle, promise à un destin plus important que la série 22.
Ce nom est donc recherché afin de créer une entité différente forte pour cette nouvelle Série, ce sera Dinky Toys, nom indirectement trouvé par une fille de Frank Hornby dont c'était le surnom donné par un ami ; une autre explication veut que ce soit une de ses belle-filles qui aurait trouvé ce nom. Dinky dérivant de "dink", mot écossais pour "neat" ou "fine", qu'on peut aussi traduire par mignon.
La série 22 ou le peu qu'il en reste sera intégrée à la nouvelle marque Dinky Toys, comme tous les articles de réseau ferroviaire (personnages, panneaux routiers, ferroviaires, publicitaires, animaux etc.).
![]() |
Trois exemplaires de la Graham Paige Blue Streak, au centre la rare version promotionnelle de 1932 |
![]() |
Pas de croisillon mais la filiation est évidente |
Techniquement le système de fabrication est copié sur celui des Graham Paige de la marque américaine Tootsietoy, dont la première version (une limousine) est initialement proposée comme article promotionnel dès 1932. Deux éléments, châssis et carrosserie, sont maintenus ensemble par les axes des roues pincés à leurs extrémités. le système est tellement copié que la série 24 se verra interdite d'exportation aux États-unis, Dowst Tootsietoy ayant déposé un brevet pour ce type d'assemblage. Ceci aura effet jusqu'en 1945, période où Meccano participera à l'effort national de reconstruction en exportant massivement vers les États-Unis et dans les pays du Commonwealth ; et où Tootsietoy aura de toute manière abandonné la fabrication des Graham Paige depuis quelques années.
Les
Graham Paige de Tootsietoy furent réellement commercialisées en
1933, et fort probablement aussitôt importées au Royaume-Uni où la finesse de leur moulage grâce à l'emploi du zamak a dû fortement impressionner les fabricants de jouets insulaires. La
gestation de la série 24 semble avoir été relativement courte car
elles sont présentées dans le Meccano Magazine de mai 1934. Dans les
faits elles ont certainement dû sortir dans le désordre et avec retard pour certaines, la 24f étant par exemple, plus
difficile à trouver dans sa première variante que les autres
références.
Curieusement
alors qu'il s'agit de véhicules de tourisme, la première référence
est une ambulance, ceci pourrait s'expliquer par l'appellation "Motor-car" sur le coffret cadeau, qui était utilisée
par les Liverpuldiens autant pour une automobile que pour une
fourgonnette (1). Le deuxième modèle est une limousine parfois
appelée "6 glaces" pour ses deux rangées de trois
vitres. Le troisième que nous n'aurons pas eu la joie d'avoir en
France, est un coupé de ville avec séparation chauffeur appelé
"Town Sedan". Suit un coupé long appelé chez nous Berline de voyage
et au Royaume-Uni "Vogue Sedan". La cinquième référence est superbe,
un coupé à l'arrière profilé. En anglais on parle de Streamline,
soit rationnel, ce qui n'est pas illogique quand il s'agit
d'aérodynamisme (Stream = courant, flux. Line = ligne, ce qui donne effectivement profilé, même si par extension, on va dire "dans le sens du courant" donc "rationnel"), cette superbe voiture se nomme donc "Super Streamline Saloon". Viennent ensuite le petit coupé deux places
appelé "Sportsman's coupe", et enfin les deux tourers respectivement
quatre et deux places appelés "Tourer Four seater" et "Tourer two
seater".
Les catalogues mis à part, il est de nos jours quasiment impossible de trouver des informations sur cette Série, le manque de document et la rareté des modèles font que les différentes personnes qui se sont penchées sur le sujet, ayant peu de matière pour affiner leur analyse, se sont souvent contentées de survoler le sujet. Un ouvrage cependant donne de bonnes pistes de réflexion, il s'agit du livre de Jean-Michel Roulet : Les Dinky Toys Anglais 1933 – 1953 aux éditions EPA. Bien qu'épuisé, on le trouve relativement facilement en occasion, et par chance, pour ceux qui ont du mal avec la langue de Shakespeare, il est en français.
Roues et Axes
![]() |
Un exemplaire de la 24h de 1934 équipée de roues type 1 peintes de la couleur de la carrosserie |
![]() |
Exemple de roues type 1 "plaquées", notons que la roue de secours est de type 2 d'origine |
Meccano a utilisé deux types de
jantes bien distincts, le second remplace progressivement le premier au cours de l'année 1935.
Le premier type est directement inspiré de roues des Tootsietoy. La jante est plate avec un bossage central. Ces jantes sont d'abord durant un temps très court peintes (du côté extérieur uniquement), de la même couleur que la carrosserie, puis très fugitivement aussi, peintes en noir. Enfin, elles deviennent plaquées argent ou plus certainement nickel. Ce placage n'ayant généralement pas tenu dans le temps, il faut parfois inspecter le modèle longuement pour en voir des traces.
Normalement les jantes de couleur identique à celle de la carrosserie sont :
- 24a : Crème
- 24b : Bordeaux
- 24c : Bleu foncé
- 24d : Vert olive
- 24e : Rouge
- 24f : Ce modèle semblant être le dernier à avoir été produit, seules des jantes noires ont été constatées
- 24g : Jaune
- 24h : Vert ou jaune plus clair que pour la 24g
![]() |
Trois modèles équipés de roues type 2 peintes en Royal blue de la période 1935 - 1936 |
![]() |
Un exemplaire de la 24b datant de 1938/1939 aux jantes peintes en noir |
Le deuxième type apparu
plus tardivement en 1934, avec un profil rond et lisse. On peut le
trouver de couleur bleu-violet ("royal blue" ou "marine blue") à partir
de l'introduction de la Série 30 en 1935 mais plus souvent nickelé.
Enfin, à partir de l'introduction de la Série
36 en 1938, les jantes deviennent définitivement noires et ce pour toute la gamme automobile Dinky Toys.
À noter que pour les deux versions il est parfois difficile de savoir si la jante a été argentée ou non sur des exemplaires ayant beaucoup "joué", et qu'il est fort probable que des oublis aient de temps en temps, laissé passer des jantes brutes.
Enfin il semble qu'à la toute fin des années trente, des
exemplaires exportés au Canada aient été pourvus de jantes peintes
en vert kaki issues de stock de matériel militaire.
Plusieurs modèles présentent une roue de secours depuis la création de la série en 1934 jusqu'aux environs du milieu de l'année 1939. Les catalogues pour les années 1939/40 imprimés en juin 1939 présentent des dessins retouchés sur lesquels les modèles n'ont plus de roues de secours. Il semblerait que l'abandon des roues de secours fut une décision liverpuldienne suivie avec un peu de retard en France, le montage sans roue de secours de carrosseries françaises prévues pour en être équipées, se trouvant sur les exemplaires de cette période.
![]() |
Un exemple de modèle de la période fin 1939 début 1940 équipé de pneus noirs |
Il a parfois été dit que les premières Séries 24 étaient chaussées de pneus de couleurs vives (rouge, bleu, jaune, vert). Ceci est vrai pour les versions françaises, (bien qu'il ne s'est à priori pas agi de modèle de début de production non plus), néanmoins pour les anglaises, à part un exemplaire de la 24d visiblement restauré dans le livre des époux Richardson, et une 24f dont la photo est malheureusement de mauvaise qualité (1), je n'ai jamais vu de Série 24 britannique chaussées de pneus d'une autre couleur que noir ou blanc si tant est que ces deux dernières sont bien des couleurs, mais c'est un autre débat. Les modèles de tout début de production connus ayant toujours des pneus blancs, il convient donc d'être très prudent quant à cette ancienne théorie.
De manière générale, les pneus sont donc blancs de 1934 à fin 1939 voire début 1940, pour exemple un modèle 24c chaussé de pneus noirs mais encore pourvue d'une calandre française qui ne sera plus disponible dès mai 1940 pour cause d'invasion.
Il est aussi possible qu'il y ait eu des chevauchements de stocks de pneus, voir un occasionnel retour au blanc.
Notons au passage que les pneus blancs montés sur les séries 36 d'immédiat après-guerre sont d'un dessin différent et d'une couleur tirant sur le gris.
Calandre
![]() |
Calandres britanniques types 1 et 2 |
![]() |
Des exemplaires munis de calandre française |
![]() |
Calandre française type 2 à gauche et type 3 à droite |
![]() |
Pare-brises types 1 et 2 sur les Tourers |
![]() |
Châssis type 1b injecté en alliage de plomb |
![]() |
Châssis type 1b injecté en zamak |
Ces trois versions se trouvent avec et sans trou pour roue de secours
- Deuxième type
Pas de variations réelles dans le temps, on peut apercevoir à lumière rasante
l'empreinte laissée par le tiroir occultant l'échancrure pour laisser passer la roue de secours sur certains
exemplaires qui en sont dépourvus. Les deux types de châssis,
contrairement à la deuxième version française, n'ont jamais eu de
lanterne sur les ailes avant. Celles ci apparaissent uniquement sur le châssis de la série 36. Enfin pour l'anecdote, et celle ci n'est pas inintéressante, les plans du deuxième châssis effectués par le bureau d'étude de Meccano datent de juin 1934, rappelons en passant que la première réclame pour cette série est de mai 1934. (1)
![]() |
Châssis type 2 avec emplacement pour la roue de secours |
Les huit modèles apparaissent pour la première fois sur une publicité dans Meccano magazine en mai 1934, le prix est de 9 pence par pièce sauf pour les références 24c, 24g et 24h qui ayant un pare-brise rapporté, voient leur tarif augmenté de 3 pence, leur prix passant alors à 1 shilling. Dans le catalogue général Meccano imprimé en août 1935, le prix est lissé à 9 pence pour toute la gamme.
En 1938, avec l'arrivée
de la Série 36, jugeant peut-être ses moules amortis, Meccano passe
le prix du modèle de 9 à 6 pence soit un demi shilling, mettant la
Série 24 un peu plus à la portée des bourses enfantines quant un modèle
de la Série 36 coûte presque le double. Ce n'est donc pas
l'ablation de la roue de secours qui aura été la cause d'une baisse tarifaire comme il parfois été avancé.
Fin 1939, le gouvernement
se préparant à la guerre, les prix sont impactés par les nouvelles
taxes et le tarif des modèles de la Série 24 monte à 7 pence, puis
en janvier 1940, il repasse à 9 pence, à ce moment là, les huit
références sont encore disponibles. La liste de prix des jouets
Meccano pour octobre 1940 est à nouveau revue à la hausse pour la
même raison, et le tarif passe à 11 pence pour les quatre
références restantes, la Série étant amputée des quatre
carrosseries ne pouvant plus être fournies par la France. Meccano
propose les 24g et 24h avec des carrosseries issues de la Série 36
légèrement simplifiées dans le but évident que la Série 24 ne puisse
pas se résumer pas aux deux modèles qui n'ont pas été transformés pour
la Série 36. La 24e sera sporadiquement équipée de carrosserie de 36d "Rover".
Enfin le dernier changement en 1941 avant la cessation
d'activité instaurée par le gouvernement en janvier 1942, montre que les modèles de la Série 24 coûtent
maintenant la somme de 1 shilling et trois pence. On peut noter aussi que d'après les époux Richardson, la production fut arrêtée entre septembre 1939 et avril 1940 bien que les modèles soient toujours disponibles sur les tarifs et bons de commande. (3)
Boîtes et coffrets cadeau
Comme la plupart des petites autos "bon marché" avant le milieu des années cinquante, les Dinky Toys étaient vendues sans boîte, le détaillant les recevaient sous forme de boîte revendeur de six unités identiques. Le bambin pouvait donc repartir du magasin avec son article "à consommer tout de suite". Aucune boîte n'ayant jamais été retrouvée complète, il est impossible de connaître avec exactitude la composition de couleurs de ces boîtes. Il est fort possible que comme pour les boîtes revendeur d'après-guerre, deux séries de trois coloris identiques étaient proposés par boîte, mais ceci reste une simple hypothèse.
Bien que coûteux, de nos jours ces modèles sont comparativement beaucoup moins cher que dans les années 70/80/90. Un très beau modèle entièrement d'origine se négocie plus ou moins pour la même somme d'argent que durant ces années où leurs prix flambèrent... L'inflation aidant elles sont devenues mécaniquement moins chères. Néanmoins si les exemplaires en état de jeu, "fatigué" ont vu leur valeur baisser drastiquement, des exemplaires proches de la perfection peuvent toujours faire des records en salle de ventes.
Il convient d'inspecter bien évidemment le pinçage des axes, mais des restaurations ont pu être faites il y a de nombreuses années, et
avec l'emploi de produits vieillissants artificiellement les métaux,
il est parfois difficile d'être catégorique. Certains collectionneurs ont aussi pu se procurer un outillage permettant un écrasement des axes identique à l'origine, notamment au Royaume-Uni. On peut éventuellement
se dire, à la limite, que si la version est en tous points conforme
à l'origine, « remontée » avec des pièces d'époque,
ce n'est pas trop grave, et qu'il s'agit plus d'un sauvetage que d'une escroquerie. De plus des exemplaires restaurés à titre totalement personnel, ont certainement pu être remis sur le marché suite a une revente de collection voire d'un décès.
On évitera tout de même des modèles présentant de forts anachronismes tels que : Châssis premier type avec calandre type 2 voire française. Calandre type 2 associée avec des jantes type 1 ou 2 de couleur bleu, etc... Le processus de fabrication industriel est rigoureux, et les anachronismes ne peuvent être de mise sur des périodes de grand succès commercial tel que l'ont été les années trente pour Meccano.
Ceci se remarque aussi par le nombre restreint de couleurs utilisées à l'époque, et toute couleur utilisée pour la Série 24 se retrouve obligatoirement sur d'autres productions Meccano, si ce n'est pas le cas, il y a lieu d'être très circonspect.
Avec l'entrée en guerre des pays européens, Meccano s'est trouvé vite à court de matière première pour ses fabrications, et tout ce qui pouvait être présenté à la vente en cette période difficile l'a été,. On trouve donc à cette période de curieux modèles hybrides issues de mélanges de pièces des séries 24 et 36 dont l'empattement était identique.
Un mot sur l'état de conservation. Le gros soucis de ces jouets, est bien sûr la « métal-fatigue » appelée aussi "zinc-pest", il résulte d'un mauvais dosage de l'alliage du zamak. Souvent les fabricants de cette époque proposaient des sujets en plomb, si les carottes et autres ébarbures étaient récupérées en fin de journée et mises dans la cuve de zamak, on peut être certain que les modèles issus le lendemain de cette cuve n'ont pas survécu.
Tous les documents et modèles, sauf mention contraire, sont © La Route Enchantée
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire